2e Concours International Chopin sur instruments historiques – 2023

2e Concours International Chopin sur instruments historiques

Le temps retrouvé de Frédéric Chopin

 

L’Association Pleyel Chopin de Croissy-sur-Seine organisait un voyage à Varsovie du 13 au 16 octobre pour assister aux épreuves finales de la 2e édition du Concours international Chopin sur instruments historiques. Yves Henry, le président de cette Association et du Nohant Festival Chopin, également membre du Conseil des Fédérations internationales Chopin, était à l’initiative de ce séjour. Spécialiste de l’œuvre de Chopin sur pianos historiques, il faisait partie du jury de la seconde édition de ce Concours international dont les modalités sont calquées sur celles du prestigieux Concours Chopin sur piano moderne créé il y a plus de 60 ans. Plusieurs membres du Cercle des Amis du Nohant Festival Chopin, accompagnés par Sylviane Plantelin, la vice-présidente du Festival, s’étaient joints à ce voyage.

2e Concours International Chopin sur instruments historiques 2023

Le Concours
Dans la magnifique salle de la Philharmonie de Varsovie investie par un public enthousiaste et mélomane, six finalistes, Eric Guo (Canada), Martin Nöbauer (Autriche), Piotr Pawlack (Pologne), Kamila Sacharzewska (Pologne), Angie Zhang (Etats-Unis), Yonghuan Zhong (Chine), sélectionnés après de multiples épreuves parmi 85 candidats, allaient interpréter avec orchestre le Concerto n° 1 en mi mineur op. 11 de Chopin qu’ils avaient – hasard des présélections – tous privilégié. Au final, cela permettait de se forger un jugement dénué d’une préférence pour l’un ou l’autre des deux Concertos de Chopin et de mieux apprécier l’interprétation de ce chef-d’œuvre donné au choix par les jeune artistes sur un Pleyel 1843 ou un Erard 1838.

Les lauréats
Après les épreuves réparties sur deux soirs, le concert de clôture était dédié à l’annonce des résultats suivie d’un concert délivré par les trois premiers lauréats avec la participation de l’orchestre. Le Premier Prix était ainsi décerné à Eric Guo (21 ans) dont l’interprétation aisée, virtuose et expressive a emporté l’assentiment à la fois du public et du jury. Selon la tradition, Eric Guo participera en juillet à l’édition 2024 du Nohant Festival Chopin. C’est le Polonais Piotr Pawlak (25 ans) qui se vit attribuer la deuxième place. Son interprétation romantique, poétique et élégante a fait vibrer le cœur d’un public qui lui a offert en retour une standing ovation largement méritée. Puis en troisième place venaient les ex-aequos, Angie Zhang (28 ans) et Yonghuan Zhong (18 ans). Deux jeunes artistes aux antipodes l’un de l’autre, la première dotée d’un jeu réfléchi et nuancé à l’extrême alors que le second proposait une interprétation directe et rythmée emprunte de la ferveur de la jeunesse. Les solistes étaient accompagnés et soutenus avec maestria par les musiciens sur instruments d’époque du « oh ! Orkiestra » dirigé par Vaclav Luks. (Finales à retrouver sur youtube.com/@chopininstitute/videos)

Le Musée Frédéric Chopin
Autre temps fort du séjour, la visite du Musée Frédéric Chopin qui recèle de nombreux trésors liés à la vie et l’œuvre du compositeur. Accueilli par le directeur en personne, Eric de Visscher, et après un court récital, le groupe contemplait les objets, lettres et tableaux, liés à la vie de l’artiste, certains rapportés en Pologne par la sœur aînée de Chopin après le décès de ce dernier à Paris. Clé de voûte de la collection, le dernier piano Pleyel de Chopin sur lequel, honneur inattendu, Yves Henry a été exceptionnellement autorisé à jouer après Martha Argerich. Le musée continue d’enrichir ses collections avec l’espoir de voir ressurgir des archives, dispersées au fil des guerres et des invasions.

Focus sur les pianos
L’Institut Chopin possède une exceptionnelle collection de pianos anciens que le groupe a eu le privilège de visiter avec le facteur de piano Paul Mc Nulty et d’entendre sonner sous les doigts d’Yves Henry. Artisan passionné, Paul Mc Nully fabrique à l’identique des pianos anciens et présenta quelques-unes de ses « recréations » à l’instar entre autres du piano Graf de 1819 au mécanisme viennois (sur lequel jouait Chopin avant de découvrir Pleyel), un Buchholtz de 1825, un Pleyel 1830 et un Broadwood joué par Chopin lors de ses concerts en Angleterre. Ces deux derniers instruments ainsi que la copie du Buchholtz ont été joués par les cadidats pendant les épreuves éliminatoires.

La Pologne au cœur
Ce séjour était l’occasion de visiter les lieux où Frédéric Chopin vécut jusqu’à 20 ans, soit la moitié de sa vie en raison de sa mort prématurée à 39 ans : sa maison natale à Zelazowa Wola, située au sein d’un parc magnifique, illustrée musicalement par un récital d’Yves Henry ; quelques lieux de mémoire à Varsovie, entre autres, là où il vécut avec ses parents, l’hôtel particulier où il donna son premier concert à 9 ans – en enfant prodige qui s’ignore, il pensa que le public avait applaudi son col blanc ! – ; l’église des Carmélites où il improvisait sur l’orgue le dimanche – au grand dam du prêtre qui trouvait qu’à cause de lui, la messe durait trop longtemps -. Sans omettre le passage obligé par l’église de la Sainte Croix où le cœur de l’artiste repose dans l’un des piliers.

Refermons cette parenthèse romantique en saluant le talent et la curiosité artistique des jeunes pianistes qui se sont courageusement confrontés au jeu sur instruments historiques et ont su remarquablement en restituer les sons et les couleurs pour le plus grand bonheur du public.

Remercions aussi les organisateurs de ce voyage pour cette immersion dans l’univers polonais de Chopin. Car si l’inspiration d’un génie dépasse les étroites contingences de sa vie, ce séjour en compagnie d’Yves Henry, à la fois pianiste et guide pour la circonstance, tout en assumant en parallèle ses tâches de membre du jury, permettait d’approcher ce supplément d’âme qui irrigue l’œuvre de Chopin, cette recherche d’un temps perdu et sublimé, retrouvé par la grâce de sa musique.