21 Mar A l’ombre des grands maîtres et des talents en fleur
A l’ombre des grands maîtres et des talents en fleur
Le mercredi 9 mars, organisateurs, artistes et public au grand complet se retrouvaient Salle Cortot à Paris pour le concert de présentation de la 56e édition du Nohant Festival Chopin, une tradition dont ils avaient été privés l’an passé en raison de la pandémie. Les retrouvailles n’en furent que plus chaleureuses.
Orchestrateur de la soirée, Yves Henry, le président du festival, invitait plusieurs personnalités à le rejoindre sur scène : Philippe Bélaval, le président du Centre des monuments nationaux, Marie Christine Barrault et Robin Renucci, les présidents d’honneur du festival, accompagnés de Brigitte Fossey, marraine de la toute nouvelle Académie des Jeunes talents. Manquaient à l’appel Tomasz Młynarski, Ambassadeur de Pologne en France, retenu par la préparation de la réunion des 27 chefs d’état de l’U.E. qui débutait le lendemain, le pianiste Adam Laloum, et Frédéric Lodéon, également parrain de l’Académie, auquel un vibrant hommage était rendu le soir même à Aix-en-Provence lors des Victoires de la Musique. Tous évoquaient l’importance de la transmission de la culture aux nouvelles générations, le domaine de George Sand à Nohant se trouvant être le lieu dédié, à la fois voulu par l’écrivaine et perpétué grâce au festival.
« Nathanaël, je t’enseignerai la ferveur », c’est par cette invocation de Gide que Jean-Yves Clément, le conseiller musical et littéraire du festival, introduisait la présentation de l’édition 2022. Placée sous le signe de la « ferveur romantique » qui au gré des événements et des émotions, s’est parfois déclinée en « fièvre » ou en « fureur », cette édition célèbrera deux anniversaires : le bicentenaire de la naissance de César Franck et le centenaire de la mort de Marcel Proust. Le compositeur ayant inspiré l’écrivain, lien fût fait ensuite avec l’auteur des Notes sur Chopin, André Gide, qui regrettera toute sa vie d’avoir refusé le manuscrit de Marcel Proust. Bref, la boucle littéraire et musicale était bouclée.
(En photo de gauche à droite : Florian Noack, Raquel Camerinha, Fanny Clamagirand, Yves Henry, Quatuor Tchalik, Romain David, Jean-Yves Clément, Brigitte Fossey, Quatuor Tchalik, Gaspard Dehaene, Marie Christine Barrault, Sylviane Plantelin, Robin Renucci, Geoffroy Couteau.)
Et si l’on ajoute à ces génies tous les talents, musiciens – notamment les premiers prix, anciens et récents, des plus grands concours internationaux de piano -, et comédiens mais aussi écrivains et musicologues qui se presseront à Nohant l’été prochain, la 56e édition est extrêmement prometteuse (voir le programme et réserver ).
Puis dans une tonalité plus grave, Yves Henry rappelait qu’à la suite du soulèvement du peuple polonais du 29 novembre 1830 contre l’occupant russe, Frédéric Chopin fut contraint de quitter pour toujours sa Pologne natale, un exil qui endeuillera sa vie et son œuvre. Marie Christine Barrault fut invitée à lire la traduction d’une Mélodie de Chopin interprétée par la soprano Raquel Camerinha. En voici un extrait : « Les feuilles tombent de l’arbre qui grandit libre ! Sur une tombe chante un oiseau des champs. Tu as eu du malheur, ô Pologne ! Tes rêves sont morts, tes fils sont dans leurs tombes, Tes fermes flambèrent, tes villes furent détruites… ». Émotion dans la salle tant ce chant désespéré que l’on croyait d’une époque révolue, faisait écho à l’actualité ukrainienne.
Retour à plus de légèreté ensuite avec le passage de témoin entre les artistes de la précédente édition du Festival et ceux de la prochaine. Après Raquel Camerinha, le public entendait des œuvres pour piano : les Trois Mazurkas op. 63 de Frédéric Chopin interprétées par Gaspard Dehaene avec l’élégance qu’on lui connait tandis que Florian Noack, pianiste doté d’une sensibilité très juste, interpelait le public avec deux œuvres contrastées de Serguei Liapounov, la Berceuse et la Tempête. Fidèle à ses amours, Geoffroy Couteau délivrait l’Intermezzo op. 117 n°1 puis la Danse hongroise n° 1 de Johannes Brahms, dans une version ébouriffante pour piano seul ; leur succédait le brillant Quatuor Tchalik, parfait de précision et d‘élégance dans le Scherzo du Quatuor op. 112 de Camille Saint-Saëns puis dans une magistrale interprétation de la Sicilienne du Concert d’Ernest Chausson en compagnie de la violoniste Fanny Clamagirand et du pianiste Romain David,
impressionnants d’expressivité, ces deux derniers artistes enchantaient le public avec le second mouvement (Allegro) de la Sonate pour violon et piano de César Franck.
En finale, c’est au pianiste Florian Noack que revenait l’honneur de conclure ce parcours musical avec l’interprétation du premier mouvement inachevé Allegro moderato de l’émouvante Sonate (elle-même inachevée) de Franz Schubert en fa dièse mineur.
Puis sur la scène de Cortot, l’une des plus belles salles de concert de Paris, à l’ombre de tous ces grands maîtres du romantisme et de ces merveilleux interprètes, s’achevait sous les applaudissements cette soirée placée sous le signe de la « ferveur», celle qui unissait dans un même élan artistes, public et organisateurs.