Virtuosité

Michel Dalberto, le Trio Pantoum et Vincent Ong

Compte-rendu 4e week-end des 28 et 29 juin

Virtuosité

La première étape du Nohant Festival Chopin s’est achevée le week-end des 28 et 29 juin, dans une ambiance caniculaire, victorieusement domptée dans l’auditorium par la climatisation et bien plus encore par l’immense talent des musiciens chaleureusement plébiscités par des festivaliers enthousiastes.

Tout sur Chopin
Musicologue et historien de l’art, Jean-Yves Patte était invité par Jean-Yves Clément, le conseiller musical et littéraire du Festival, à plancher sur le thème « Chopin au quotidien à Nohant ». Depuis de nombreuses années, ce muséographe et bricolographe comme il se définit lui-même, traque dans le Berry la moindre piste du compositeur dont il propose un portrait intime. Il a ainsi reconstitué la chambre de Chopin à Nohant, dont l’agencement originel n’a pas survécu à la rupture du couple. Toutefois un lieu dans la maison tout à fait essentiel à l’époque est resté tel quel : le salon. Comme le montrent les tableaux de l’époque, la vie sociale fait cercle dans les salons, haut lieu de la diffusion des informations et des cancans, l’équivalent de nos « réseaux » actuels. Nohant n’échappe pas à la règle : l’on y accueille les esprits les plus brillants du temps, tels Liszt, Flaubert, Delacroix, Balzac (jugé trop bavard). L’on y fait du théâtre et de la parodie initiée par Chopin. Mais aussi de la politique et l’on y verra naître le premier socialisme d’obédience rousseauiste. Mais surtout on se réunit autour du pianino du salon de la maison, installé parfois aussi sur le perron, pour écouter Chopin. Le mariage catastrophique de Solange avec le sculpteur Clésinger fera tanguer ce phalanstère. Les traces matérielles de la vie de Chopin à Nohant s’effaceront, à l’exception des double-portes capitonnées de sa chambre, mais aussi moins connu, d’un tableau d’inspiration égyptienne débusqué par l’historien et qui figurait dans la chambre du compositeur. Toutefois l’essentiel se trouve ailleurs, dans l’âme des lieux et plus encore dans l’œuvre de Chopin où s’exprime à merveille le pêle-mêle mystérieux des émotions humaines, les siennes et aussi les nôtres.

Dalberto le styliste
Concertiste et pédagogue recherché dans le monde entier, Michel Dalberto a modifié l’ordre de son programme pour, dit-il avec humour, « épargner les oreilles du public ». En effet, le programme est dense. En première partie, ce seront trois Chopin rondement menés, le Prélude en do dièse mineur op. 45, l’Andante spianato et Grande Polonaise brillante en mi bémol majeur et la Ballade n° 3. Puis arrive une œuvre redoutablement difficile de Ravel, Gaspard de la Nuit, dont le maestro, tenant à la bonne distance l’émotion poétique, donnera une interprétation remarquable. La deuxième partie proposera deux paraphrases de Liszt, la Valse de Faust de Gounod et les Réminiscences de Norma qui empliront l’auditorium de leurs chants opératiques. Entre les deux, à l’appui d’une brillante interprétation de la Sonate n° 16 de Mozart, Michel Dalberto délivrera au public une leçon orale sur la virtuosité : ce défi technique pour l’interprète doit mener à un accomplissement musical plus profond. Michel Dalberto parle d’or. Elève de Perlemuter, disciple de Cortot et de Ravel, son jeu sublime cet héritage avec une maîtrise pianistique au service de l’éloquence et de la profondeur de l’œuvre. En bis, ce sera un Prélude de Rachmaninov puis Reflets dans l’eau de Debussy.

Schumann le roi David (entre autres)
Récipiendaire du prestigieux Prix Schumann 2024, le pianiste malaisien Vincent Ong va interpréter les Davidsbündlertänze, une œuvre complexe dont Jean-Yves Clément va démêler quelques fils pour le public. Cette succession de 18 pièces transpose en musique le combat biblique entre le roi David et les Philistins, « le roi David étant Schumann lui-même à la tête d’une armée composée de Bach, Mozart, Chopin, Wagner et quelques autres ; auxquels s’opposent les Philistins, à savoir les bourgeois conservateurs de l’art, entre autres Rossini et Czerny ». L’on y rajoutera les deux faces de Schumann, Florestan le conquérant et Eusébius le rêveur, ainsi que quelques messages codés à l’attention de sa chère Clara. Tout cela prétexte à créer, selon le conseiller musical et littéraire du Festival « l’une des plus grandes pages musicales pour piano de Schumann, pleine d’imagination, de rêverie, de grâce et de poésie. Tout est carnaval pour Schumann et à minuit tout s’efface ! ». En contraste, le public écoutera ensuite une œuvre de Chopin, sa 3e Sonate « qui se termine par un embrasement joyeux car plus Chopin meurt, plus sa créativité est joyeuse, au-delà de la souffrance ».
Vincent Ong s’empare de ces sujets avec maturité et une virtuosité vertigineuse. Présélectionné pour le Concours Chopin de Varsovie de 2025, souhaitons à ce jeune homme, curieux d’Europe, qui a choisi d’approfondir son art à Berlin, d’avoir trouvé à Nohant ce supplément d’âme chopinienne qui peut-être le mènera à la victoire.
En bis le sublime mouvement lent de la Sonate n° 1 de Schumann et l’Etude n° 2 op. 10 de Chopin

Pantoum au sommet
A la fois forme poétique et deuxième mouvement du Trio de Ravel, Pantoum est aussi le nom d’un Trio éponyme composé de trois excellents musiciens, Hugo Meder (violon), Bo-Geun Park (violoncelle) et Kojiro Oka (piano). Ce dernier, nous dit Yves Henry, le président du Festival, a participé en 2010 alors qu’il n’avait que 9 ans, au marathon musical reliant Nohant à la salle Pleyel de Paris, réunissant 60 musiciens pour célébrer le bicentenaire de la naissance de Chopin. Il fut aussi l’un des jeunes solistes en résidence au Festival quelques années plus tard. Depuis, le pianiste a fait son chemin à l’instar de ses deux compagnons de route. En effet, fondé en 2016, ce Trio compte une reconnaissance bien méritée : leur musicalité, la perfection de leur jeu, en solo et tutti, leur complicité, mènent au sommet le Trio n° 1 en si bémol majeur et le Notturno de Schubert puis le Trio n° 1 du musicien russe Anton Arenski, œuvre à la slavitude affirmée qui vaudra aux artistes la standing ovation d’une salle galvanisée. En bis, ils interpréteront le « Pantoum » du Trio de Ravel qu’ils viennent d’enregistrer et qui est le nom de leur formation, et le 1er Dumky de Dvorak .

Rendez-vous en juillet :
Après quelques jours d’un repos bien mérité, «Chopin l’Européen » donne de nouveau rendez-vous aux mélomanes du 17 au 23 juillet, au domaine de George Sand (Centre des monuments nationaux) dans l’auditorium climatisé où musiciens, comédiens et conférenciers évoqueront les très riches heures du romantisme de Chopin.

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