12 Mar Compte-rendu de la soirée de lancement du 58e Nohant Festival Chopin Salle Cortot à Paris
Compte-rendu de la soirée de lancement du
58e Nohant Festival Chopin
Salle Cortot à Paris
Personnalités, public fidèle et néophytes sont venus en nombre au rendez-vous donné par le Nohant Festival Chopin le jeudi 7 mars Salle Cortot à Paris afin de découvrir la programmation de la 58e édition qui proposera du 8 juin au 24 juillet, 35 concerts et événements au domaine de George Sand sur le thème « Chopin et ses contemporains ».
La musique de la liberté
En ouverture, Wiesław Tarka, ministre plénipotentiaire qui parlait au nom de l’ambassadeur de Pologne, retenu en dernière minute par une visite protocolaire, évoquait dans son discours « la période actuelle qui vit depuis deux ans une rupture historique politiquement délicate ». Il soulignait « les liens qui unissent la France et la Pologne autour de la personnalité de Frédéric Chopin, un artiste qui en son temps déjà s’était résolu à un exil douloureux » en raison de l’invasion de son pays, « en écho aux artistes ukrainiens actuellement obligés de quitter leur pays ». Il soulignait « le souffle de la liberté qui animait la musique de Chopin et la vitalité de la musique romantique ».
Marie Lavandier rappelait qu’une des spécificités du Centre des monuments nationaux qu’elle préside, était de « permettre à des artistes « qui en ont l’audace et le talent, d’investir les lieux dont le Centre a la charge comme si c’était leur maison à l’instar du Nohant Festival Chopin qui est accueilli depuis sa création en 1966 au domaine de George Sand à Nohant ». Elle soulignait que le jumelage en 2023 du domaine avec la maison natale de Chopin à Zelazowa Wola en Pologne allait amorcer de nouveaux projets et terminait son discours en citant George Sand : « Le génie de Chopin est le plus profond et le plus plein de sentiments et d’émotions qui ait existé. Il a fait parler à un seul instrument la langue de l’infini », « celle de la liberté », ajoutait Marie-Lavandier.
Anniversaires en cascades
Yves Henry, le président du Festival, et Jean-Yves Clément, le conseiller musical et littéraire, prenaient le relais pour détailler les temps forts de la 58e édition. Hormis une programmation d’excellence présentée par Jean-Yves Clément (et dont chacun pourra juger: lien vers la programmation), le duo mentionnait plusieurs anniversaires : en 2024, les 30 ans de leur codirection, un record dans l’univers des festivals (qui sera fêté publiquement à Nohant en mots et en notes ce 21 juin) puis en 2026, le 60e anniversaire du Festival ainsi que le 150e anniversaire de la mort de George Sand. Sans oublier lors du prochain Festival, le 100e anniversaire de la mort de Gabriel Fauré et de la naissance de Samson François.
Déluge de talents
En ouverture du concert, le jeune pianiste Kim Bernard, élève à l’Ecole Normale Alfred Cortot de la célèbre pédagogue Rena Shereshevskaya, donnait un bel échantillon de son talent en interprétant avec un engagement remarquable l’Etude de Chopin n° 12 op. 10 « Révolutionnaire ». Il sera en résidence au Festival en juillet.
L’apaisement était apporté par le choral de Bach/Busoni « Ich ruf zur dir, Herr Jesus Christ » et la légèreté de l’Impromptu n° 1 op. 28 de Chopin sous les doigts nuancés du jeune Antoine Préat que le public retrouvera à Nohant en tremplin-découverte le 9 juin.
S’ensuivait un duo plus aguerri : Thomas Lefort au violon et Yves Henry au piano dans la 1ère Romance op. 22 de Clara Schumann puis dans une pièce virtuosissima de Niccolo Paganani : la fameuse « Campanella » (vidéo). Grand Prix ex-aequo du Concours Isaac Stern de Shanghai en 2023, Thomas Lefort, déjà plébiscité à Nohant, prépare le prestigieux concours Reine Elisabeth.
Une jeune femme à l’allure vive et décidée s’emparait ensuite du clavier : Juliette Journaux, remarquée par un premier enregistrement consacré à ses propres transcriptions de Lieder de Schubert, elle donnait une interprétation profonde, lumineuse et quasi orchestrale de sa transcription du lied «In der Ferne » (L’exilé) de Schubert. Juliette sera à Nohant cet été en tremplin-découverte le 23 juin.
Rodolphe Menguy montrait toute l’étendue de son jeune talent avec les glissandos virtuoses et les accords toniques de la Rhapsodie Hongroise n° 10 « Preludio » de Liszt avant de passer le relais, dans un tout autre registre, à la soprano Ambroisine Bré qui fait déjà carrière sur les plus grandes scènes. Sa voix joliment timbrée mettait en exergue la légèreté humoresque de deux chants d’amour impossible : « Le Papillon et la fleur » de Fauré suivi de « Ai Luli », un air célèbre de Pauline Viardot.
L’un des meilleurs interprètes de Chopin, François Dumont, lauréat des plus grands concours internationaux, honorait d’une magistrale interprétation le Nocturne op. 48 n° 1 en do mineur du compositeur. Il nous régalera de son talent en duo avec le violoncelliste Marc Coppey le 23 juin prochain.
Séance émotion ensuite : en lieu et place de Bruno Rigutto empêché lors de cette soirée en raison d’un (léger) incident à la main, le public écoutait, en hommage à Samson François, l’enregistrement du Nocturne op. 9 n° 3 de Chopin capté lors de son concert à Nohant le 26 juin 1970. Interprétation au sommet, simple et lumineuse, l’un des trésors des enregistrements du Festival qui en compte une multitude depuis sa création en 1966.
En hommage à Gabriel Fauré, le concert s’achevait par le Scherzo du 1er quatuor avec piano op. 15 en do mineur servi avec un enthousiasme communicatif par le Quatuor Stendhal dans une belle démonstration de jeunes talents bardés de prix, Marie-Astrid Hulot au violon, Antonin Le Faure à l’alto, Jean-Baptiste Maizières au violoncelle et Vincent Martinet au piano (en remplacement de Gaspard Thomas).
Salves d’applaudissements
Puis ce furent les salutations de l’ensemble des artistes et des intervenants de la soirée, longuement et chaleureusement applaudis par un public rayonnant. Présentes sur la scène, Marie Christine Barrault, la présidente d’honneur du Festival, avouait avec humour se sentir « comme la réincarnation de George Sand… une place très convoitée » et Sylviane Plantelin, la vice-présidente, rappelait un autre anniversaire : le sien puisqu’elle fêtera en 2026 ses 15 ans de collaboration au sein du Festival.
L’été en Berry
Après cette giboulée de talents qui, dans un hiver maussade, insufflaient des éclairs de printemps, nous ne pouvons que conseiller au public de prendre ses places très rapidement pour le prochain festival (ce qui est possible dès aujourd’hui par courrier ou sur ce site) et en attendant l’été, de regarder le reportage réalisé par Arte sur Chopin et Nohant afin d’anticiper la saveur si particulière du bonheur en Berry.