27 Juin Compte-rendu des vendredi 21, samedi 22 et dimanche 23 juin 2024
Compte-rendu des vendredi 21, samedi 22 et dimanche 23 juin 2024
Si Nohant m’était conté
Ce troisième week-end commence par l’anniversaire des 30 ans de collaboration d’Yves Henry, le Président du Nohant Festival Chopin, et de Jean-Yves Clément, le conseiller littéraire et musical, qui à eux deux, auront programmé 500 concerts !
En leur compagnie et à l’aide d’un diaporama, nous remontons la galerie des illustres interprètes qui ont fait les grandes heures du Festival : B. Janis, A. Brendel, E. Guilels, K. Zimerman, B. Engerer, S. François, sans oublier I. Pogorelich – qui pour le premier récital organisé par les duettistes, leur donna quelques sueurs froides en zappant le rendez-vous à Orly. On ignore comment, mais le pianiste dont la piste fut retrouvée chez Maxim’s, s’installa en temps et en heure au clavier.
Ce seront aussi Volodos, Radulovic, Chamayou, Freire, Goerner, Pletnev, Argerich, le Trio Moreau, Kantorow, Kissin ; côté théâtre, Piat, Wilson, Brialy, Aimée, Cluzet, Frot, Barrault, Fossey, Renucci, Luchini… et tant d’autres grands talents !
Sont évoqués également les présidents et directeurs artistiques successifs à l’instar de Jean Darnel, Jean-François Cazala et Alain Duault, les équipes, les bénévoles et les partenaires qui ont accompagné Yves et Jean-Yves pendant toutes ces années, concourant avec eux à la pérennité du Festival – 60 ans en 2026 ! – tout en l’aidant à franchir sans y laisser une once de son âme, les étapes de la modernité : la rustique bergerie aux tuiles apparentes et au sol en terre battue devient en 2010 un auditorium à l’acoustique parfaite investi à chaque édition par les plus grandes stars mondiales de la musique et les talents de demain.
Bien sûr, un hommage appuyé et émouvant fut rendu à celui qui a porté le Festival sur les fonts baptismaux : Aldo Ciccolini qui, tombé amoureux du domaine de George Sand, initia en 1966 le premier concert des « Fêtes romantiques » devenues depuis lors le Nohant Festival Chopin ; L’âge venant, l’artiste redoutait de ne pas y revenir l’année suivante ; d’ailleurs, lors d’un récital mémorable en 2013, il y tirera sa dernière révérence musicale, saluant le « talent du public de Nohant qui sait écouter les artistes ».
L’autre flamme
Bruno Monsaingeon, grand habitué du Festival chaque année, venait présenter son dernier documentaire : « Klaus Mäkelä, vers la flamme ». Là aussi, il nous raconte un coup de foudre, celui du cinéaste qui fit par hasard la connaissance du jeune maestro finlandais. Nous aussi, nous succombons : les premiers plans du film nous donnent à voir un ange tombé des cimaises musicales sur le point de diriger le Boléro de Ravel. Klaus Mäkelä fait partie de ces êtres dotés de tous les talents : musicalité, inspiration et énergie hors normes alliées à la modestie « je ne suis pas un prodige » – on s’interroge alors sur le sens du mot – et au respect des musiciens ; autant de qualités artistiques et humaines qui le portent à la direction du Philharmonique d’Helsinki à 22 ans, celle de l’Orchestre de Paris à 25 ans ; en 2027, ce sera le Concertgebouw d’Amsterdam.
A l’instar de Debussy qui fier de l’une de ses œuvres, soulignait « ça n’a pas l’air d’être écrit », Bruno Monsaingeon aime que « ça n’ait pas l’air d’être filmé », ce qui fait du réalisateur l’un des plus remarquables passeurs de l’univers musical.
(A retrouver sur Arte : https://www.arte.tv/fr/videos/112243-000-A/klaus-maekelae-vers-la-flamme)
L’impératrice Yulianna
En soirée, le public vient écouter une œuvre rarement donnée en récital : la fameuse Sonate Hammerklavier de Beethoven. Et pour cause : il s’agit de l’une des sonates les plus longues et des plus difficiles du répertoire. « Voilà une sonate qui donnera de la besogne aux pianistes lorsqu’on la jouera dans cinquante ans », précisait le compositeur. Et voilà aussi un défi à la hauteur du talent de la pianiste Yulianna Avdeeva qui nous embarque dans le labyrinthe des mouvements successifs qui composent cette œuvre cosmique.
Même si l’auditeur peine parfois à trouver son chemin, l’artiste avec une autorité naturelle pleine de charme, mènera l’œuvre de bout en bout de main de maître pour nous en montrer la direction. En deuxième partie, ce seront un magistral Saint-François de Paule marchant sur les flots de Liszt, puis de Chopin le Scherzo n° 3, Quatre Mazurkas op. 30 et pour conclure, l’Andante Spianato et Grande Polonaise aussi brillante que son interprète. Admiratif et conquis, le public ovationne cette artiste exceptionnelle à qui elle offre deux bis chopiniens, un Nocturne puis une Valse.
Juliette la singulière
Le tremplin-découverte du dimanche accueille Juliette Journaux, aperçue la veille en photo sur les genoux de Brigitte Engerer dans la rétrospective sur le Festival, alors qu’enfant elle participait au concert du bicentenaire Chopin. Entretemps la jeune artiste aura rajouté plus d’une corde à sa lyre : pianiste toujours, mais aussi cheffe de chœur et transcriptrice.
Ayant chassé de la scène de l’auditorium Jean-Yves Clément, le prédicateur attitré des concerts du dimanche matin, l’effrontée nous annonce elle-même son programme : nous partirons sur les traces du « Wanderer », ce vagabond sans destination dont les bonnes et mauvaises fortunes du chemin ont nourri l’imaginaire des romantiques allemands. Sans hésitation, le public s’aventure dans l’épopée composée d’œuvres de Schubert, Wagner, Schoenberg et Mahler, pour la plupart superbement transcrites par cette artiste au talent singulier. En bis, ce seront une œuvre d’un musicien autrichien voué à l’oubli en son temps pour cause d’antisémitisme, Oskar Posa puis un lied de Mahler.
Songe d’un après-midi d’été
Ce sont deux représentants chevronnés de l’excellence française qui seront en concert l’après-midi : le violoncelliste Marc Coppey et le pianiste François Dumont, tous deux plébiscités par le public sur les plus grandes scènes. En première partie, ils proposent un programme Fauré, l’Elégie, la Romance, Papillon, puis la Sonate n° 2 ; en deuxième partie, deux Nocturnes op. 62 pour piano seul, puis la Sonate pour violoncelle et piano de Chopin.
Quand le monde ne va plus, l’art est un refuge largement partagé par le public en ce dimanche après-midi, tant il est envoûté par le jeu subtil et profond des deux artistes. En bis ce seront une transcription de la Sicilienne de Fauré puis le largo de la Sonate pour violoncelle de Chopin que le public réécoutera avec ferveur avant de quitter l’auditorium dans la lumière d’un été enfin au rendez-vous.
Le Chopin des enfants
Belle initiative de l’Education nationale qui organise chaque année à Nohant des ateliers poésie, chant, danse. Sans oublier un atelier piano piloté avec entrain et humour par Bertrand Périer, administrateur au Festival, et Yves Henry. Espérons que cette graine musicale déposée dans ces jeunes esprits croîtra et prospérera.
A venir :
Samedi 29 juin
16 h – Causerie-rencontre « Samson François à Nohant » avec le pianiste Bruno Rigutto et le photographe Alain Beauvais
20h30 – Musique de chambre – Augustin Dumay, violon et Frank Braley, piano
Mozart – Beethoven – Richard Strauss
Dimanche 30 juin
11h – Tremplin-découverte – Bohdan Luts, violon et Yves Henry, piano
Grieg – Ysaÿe – Saint-Saëns – Mendelssohn
16 h – Récital – Alexandre Kantorow, piano
Brahms – Liszt – Bartok – Rachmaninov – Bach/Brahms
*Crédits photos et vidéos Martine LE CARO et Alain Beauvais