Compte-rendu du 4e week-end – 24 et 25 juin 2023

COMPTE-RENDU du 4e week-end – 24 et 25 juin

Chopin, l’Européen

Le week-end dernier, se déroulait la 4e et dernière étape de juin des « Voyages de Frédéric Chopin » mais non des moindres puisqu’elle ouvrait sur une belle traversée est-ouest de l’Europe culturelle. Puis l’art musical reprenait ses droits avec le réalisateur Bruno Monsaingeon, le pianiste Leif Ove Andsnes, la violoniste Raphaëlle Moreau en duo avec Yves Henry au piano, puis la violoncelliste Camille Thomas accompagnée du pianiste Julien Brocal.
Le Festival reviendra pour une semaine complète plus spécifiquement dédiée à Chopin et à Rachmaninov du jeudi 20 au mercredi 26 juillet prochains.

Jumelage

Samedi 24 juin, au domaine de Georges Sand, la culture européenne est en marche avec la signature du jumelage entre la maison natale de Frédéric Chopin à Zelazowa Wola en Pologne et celle de George Sand à Nohant.
Grand moment d’émotion pour Yves Henry, le Président du Nohant Festival Chopin à l’initiative de ce projet, et de tous ceux qui, au fil du temps, ont soutenu ce rapprochement, au premier rang desquels le Centre des Monuments nationaux représenté par sa nouvelle présidente, Marie Lavandier et Elisabeth Braoun, l’administratrice du domaine, Sylviane Plantelin la vice-présidente et Jean-Yves Clément, le conseiller musical et littéraire du Festival, ainsi que les élus de la région présents à cette cérémonie dont le Vice-président du Conseil départemental de l’Indre et Président de Châteauroux-métropole Gil Averous, la Sénatrice Nadine Bellurot et le Député Nicolas Forissier.
Côté polonais, c’est sous le haut patronage de l’Ambassadeur de Pologne en France, Jan Emeryk Rościszewski, que ce jumelage est officialisé par Artur Szklener, le Directeur de l’Institut National Chopin de Varsovie. Ce dernier rappelait que grâce à l’amour de George Sand, Chopin avait trouvé à Nohant une nouvelle terre nourricière. Polonais de cœur et Français d’adoption, il y avait composé « ses plus belles œuvres, chargées de passion et de mélancolie, merveilleusement dramatiques et musicalement rebelles en souvenir de sa patrie meurtrie ».
Plus qu’un aboutissement, cette signature marque le début d’un intense travail de collaboration entre les deux maisons d’artistes. En effet, autour du couple Sand-Chopin, émergeront à chaque extrémité de l’Europe des projets culturels initiant un nouveau dialogue entre les arts et les sensibilités.
Autre événement à Nohant ce matin-là, l’inauguration de la roseraie du domaine, restaurée à l’identique « avec des roses des siècles passés qu’aurait pu sentir George Sand ». Certainement aussi quelques-uns de ses prestigieux hôtes, dont Chopin mais aussi Delacroix qui écrit : « Par instants, il vous arrive, par la fenêtre ouverte sur le jardin, des bouffées de musique de Chopin, (…) qui se mêlent au chant des rossignols et au parfum des roses.». Ce 24 juin 2023, ce sont les notes d’une Polonaise Héroïque de circonstance interprétée par Yves Henry sur le piano de George Sand qui se posent sur les feuillets fraichement paraphés de cette superbe alliance.

Arod, un quatuor qui sonne juste

Le réalisateur et écrivain Bruno Monsaingeon que Jean-Yves Clément souhaiterait inscrire au « patrimoine mondial de la musique », nous propose de partager l’aventure humaine et musicale d’un quatuor pour lequel il a eu un coup de foudre : le quatuor Arod. Et son flair artistique ne le trompe jamais. Alors qu’a donc ce quatuor de si particulier ? La réponse tient en un mot : la justesse, une obsession autour de laquelle s’agrègent un travail colossal et une humilité sans borne. Cela a même conduit le violoncelliste de la bande à mettre au point un instrument de torture qui depuis lors, juché à la tête de leurs violons, alto et violoncelle, mesure en temps réel la justesse de leurs accords. Torture récompensée quand écoutant l’interprétation par le Quatuor de ses « Microludes », le compositeur monomaniaque Gyorgi Kurtag ira jusqu’à modifier un « fa ». « Mon exigence est ma ressource », écrit Paul Valéry. C’est aussi celle de ce quatuor d’exception.

Les soleils voilés de Leif Ove Andnes

Le récital du samedi soir accueillait le grand pianiste norvégien Leif Ove Andsnes. Au programme de la première partie, la Sonate pour piano en la mineur de Schubert, puis quelques Mazurkas de Chopin. En seconde partie, la Fantaisie en do mineur de Mozart suivie des Fantaisies op. 116 de Brahms.
Un récital d’Andsnes est une énigme. Plus qu’à vibrer, il nous donne à penser. Son jeu introverti, sa façon de marquer les changements de tonalité, ses capacités pianistiques hors du commun si contrôlées et retenues, aucune distraction ne vient parasiter le discours qui est le seul maître de chapelle. Même le piano de concert Bechstein sonne plus clair qu’à l’ordinaire car rien ne vient brouiller les soleils voilés de Leif Ove Andsnes. La musique est sa liturgie et nous assistons à un office qui nous incite à la contemplation de ce qui est plus grand que nos egos et nos émotions. En bis, comme à la sortie d’une messe, la joie de vivre ressurgit avec une Danse de printemps de Dvorak puis une pièce lyrique de Grieg, deux œuvres radieuses à l’instar du visage de ce remarquable artiste à la fin du concert.

Raphaëlle Moreau, pleine de grâce

Ce dimanche est consacré aux cordes et aux femmes, nous dit Jean-Yves Clément. En effet, la violoniste Raphaëlle Moreau le matin cédera la place l’après-midi à la violoncelliste Camille Thomas. « Chopin aimait le violoncelle et beaucoup moins le violon, et son Trio de jeunesse op. 8 ne vaut pas tripette » nous assène le conseiller musical et littéraire du Festival. Une sentence qui tombe à pic puisque Raphaëlle Moreau et Yves Henry au piano vont nous interpréter un récital « tout sauf Chopin » avec néanmoins quelques chefs-d’œuvre : la Sonate n° 1 de Brahms « dans laquelle bonheur et malheur se donnent la main », puis la Sonate en la majeur de Franck, « un chef-d’œuvre utilisant le leitmotiv wagnérien et qui aurait inspiré la Sonate de Vinteuil de Proust ». Au passage, Jean-Yves Clément nous glisse une anecdote : Nietzsche pour montrer son agacement à Wagner avait installé sur son piano une partition de Brahms. Cela suffit à marquer la fin de leur amitié. Comme quoi les conflits guettent partout, y compris sur le pupitre d’un piano. Entre ces deux chefs-d’œuvre, le duo intercale le mélodieux « Souvenir d’un lieu cher » que Tchaïkovsky composa en hommage à sa bienfaitrice.
Remercions ces deux grands artistes pour les émotions qu’ils nous ont généreusement prodiguées avec notamment une Sonate de Franck d’anthologie où violon et piano ont dialogué à parité avec intensité, poésie et une rare connivence. Raphaëlle Moreau est une artiste lumineuse, dont la musicalité pleine d’élan est servie par une gestuelle d’une grande beauté. En bis, ce sera la Sérénade espagnole de Cécile Chaminade arrangée par Fritz Kreisler Le public est aux anges.

Les transcriptions de Camille Thomas

L’après-midi, nous retrouvons la violoncelliste Camille Thomas et le pianiste Julien Brocal. Le duo vient de publier chez Deutsche Grammophon un triple album dédié à Chopin dont certaines œuvres ont été adaptées par la violoncelliste elle-même. Présenter devant le public le plus chopinien de l’Hexagone des transcriptions des œuvres du maestro ne manque pas de panache. Et Camille Thomas n’en manque pas ! Au programme, le Prélude opus 28 n° 4 de Chopin arrangé par ses soins, puis le Nocturne n° 1 de Franchomme, le Prélude n° 15 arrangé par Franchomme. Enfin, nous aurons le privilège inouï d’entendre l’inégalée et inégalable Sonate pour violoncelle et piano de Chopin interprétée sur le violoncelle de Stradivarius « Feuermann » de 1730 ayant appartenu à Franchomme, celui sur lequel l’ami de Chopin aura joué les deux premiers mouvements la veille de la mort du compositeur. Les larmes guettent. Puis de Chopin, ce sera l’andante Spianato sous les doigts romantiques de Julien Brocal, suivi de plusieurs œuvres de Chopin arrangées pour violoncelle et piano. Le récital se poursuivra avec l’andante de la Sonate de Rachmaninov, l’Air russe varié n° 2 de Franchomme et pour conclure la Rhapsodie hongroise, une œuvre enjouée de David Popper. Belle complicité entre ces deux artistes, beaucoup de romantisme et d’humour allié à un vrai contact avec le public qui est sous le charme. En bis, une surprise nous attend avec une transcription pour violoncelle et piano du 2e mouvement du 1er Concerto de Chopin encore jamais jouée en concert. Le public conquis par la performance offre au duo un bruyant satisfeci

A suivre
Le Festival se poursuivra du jeudi 20 juillet au mercredi 26 juillet . (page programme et réservation).
Important : changement de programmation le 20 juillet. Alexander Gadjiev, souffrant et ne pouvant assurer son récital, sera remplacé par Claire Huangci, lauréate 2018 du Grand Prix Geza Anda et du Concours National Chopin des États-Unis, dans un programme entièrement consacré à Chopin. Les personnes ayant déjà acheté leur billet peuvent le conserver ou, s’ils le souhaitent, obtenir un remboursement (Informations au 02 54 48 46 40).

(en photo de g. à d. Jean-Yves Clément, Yves Henry, Leif Ove Andsnes et Sylviane Plantelin)