13 Juin Compte-rendu du week-end des samedi 8 et dimanche 9 juin 2024
Compte-rendu du week-end des samedi 8 et dimanche 9 juin 2024
Samedi 8 juin, la soirée d’ouverture du Nohant Festival Chopin est présentée par Sylviane Plantelin, sa vice-présidente et Jean-Yves Clément, son conseiller musical et littéraire, en l’absence du président Yves Henry, retenu à Zwickau par le jury du Concours Schumann – dont il reçut en son temps le Premier Prix. Après des remerciements chaleureux aux fidèles partenaires du Festival dont le Centre des monuments nationaux et la présentation du programme de la soirée, parole est donnée à la musique.
Les facéties du Kantor
Commencer un Festival qui a pour thème « Chopin et ses contemporains » par la 6e Partita en mi mineur de Bach – en lieu et place de la Sonate n° 31 de Beethoven prévue à l’origine -, voilà un paradoxe. Et confier le grand récital d’ouverture, à une pianiste qui aura 17 ans le 1er juillet prochain (même jour de naissance que George Sand nous a précisé le symboliste Jean-Yves Clément), Alexandra Dovgan, voilà une belle gageure.
Explications : pour la Partita, il semblerait que le Kantor sachant que Chopin l’admirait beaucoup, a profité d’un instant de distraction de l’agent artistique pour s’infiltrer en douce dans le programme de l’artiste. Quant à la pianiste, précisons que la demoiselle a intégré à 5 ans (!) l’école du Conservatoire d’Etat de Moscou et a entamé depuis quelques temps une carrière internationale très prometteuse. Le public de Nohant va donc découvrir une artiste prodige… et dans quel programme !
En entrée, la 6e Partita de Bach : Alexandra nous restitue à la perfection cette véritable cathédrale musicale. Le respect s’impose. Puis changement d’ambiance avec la fantasque Sonate n° 2 en sol mineur op. 22 de Schumann dont le premier mouvement (Aussi vite que possible) convient au tempérament vif de la jeune artiste ; en deuxième partie, Bach encore, avec la 2e Partita cette fois-ci transcrite par Rachmaninov suivie des Variations sur un thème de Corelli du même compositeur avant de terminer le récital par l’exaltée Sonate en sol dièse mineur n° 2 op. 19 de de Scriabine. Le public est comblé. L’aisance, la maturité et les interprétations sans fioriture de la jeune virtuose l’enthousiasment et il en redemande. Trois bis de Scriabine, Rachmaninov et une Valse de Chopin concluront la démonstration musicale d’une artiste au tempérament hors du commun et dont la technique semble évoquer cette recette musicale attribuée à Bach : « Il suffit de toucher la bonne note au bon moment. L’instrument fera le reste ». Décidément un sacré farceur, ce Kantor !
Un dimanche œcuménique
Les tremplins-découvertes sont l’occasion de présenter au public de jeunes artistes dont la carrière est suivie par le Festival, à l’instar par exemple d’Alexandre Kantorow pour n’en citer qu’un. C’est ainsi que le pianiste Antoine Préat fut en résidence au Festival en 2015 où il « subit la férule » d’Yves Henry nous précise malicieusement Jean-Yves Clément. Et cela en valait la peine pensons-nous, en écoutant ce pianiste singulier nous dérouler avec sensibilité, imagination et expressivité un superbe programme : le choral Ich ruf zu dir, Herr Jesus Christ de Bach (décidément !) qui installe calme et sérénité dans l’auditorium ;
puis quelques Impromptus de Chopin, « faussement improvisés » par le compositeur et qui recèlent tous les leitmotivs de l’inspiration chopinienne, cette « musique légère et passionnée qui ressemble à un brillant oiseau voltigeant sur les horreurs d’un gouffre », précise Jean-Yves Baudelaire, puis les 8 Novelettes en fa dièse mineur de Schumann, investies de toute la fantaisie, l’humour et la tendresse qui forment le label du compositeur. Vient ensuite la suite pour piano « d’inspiration amoureuse », Roméo et Juliette de Prokofiev, « un génie protéiforme, enfant terrible de la musique qui eut la mauvaise idée, nous dit Jean-Yves, de mourir le même jour que Staline ». Beau défi pour le pianiste qui nous transmet avec une rare intensité les émotions de cette œuvre passionnée. En bis, l’artiste donnera un émouvant Kaddish de Maurice Ravel.
Héroïsme
« Si la musique nourrit l’amour, alors continuons ! » avait conclu Jean-Yves Shakespeare lors de sa présentation du matin. Un conseil que le public s’est empressé de suivre dès l’après-midi du dimanche en venant écouter Alexander Gadjiev. Récipiendaire du 2e prix du Concours international de Varsovie en 2021, ce pianiste est originaire de Gorizia (Italie), un carrefour de peuples, de cultures et de langues, un éclectisme d’une grande richesse qui a certainement nourri l’art de ce musicien hors norme. Ce seront successivement de grandioses Funérailles de Liszt (composées en hommage à Chopin), un « bouquet » de Mazurkas et des extraits des Préludes de Chopin suivis d’une Polonaise héroïque à l’exaltation rarement égalée, suivie d’une sublime Messe noire de Scriabine qui précède les visionnaires Variations Eroica de Beethoven. Tout est intense chez Gadjiev : son jeu, ses crescendos, ses decrescendos, sa liberté, son inspiration, sa puissance, et ses silences. Il a l’art de pousser la musique, le piano et le public dans ses derniers retranchements. Ce passionnant voyage musical s’achève sur quatre bis de Beethoven, Chopin, puis Scriabine et c’est à regret que le public quitte l’auditorium après quelques dernières notes de Chopin.
A venir :
Samedi 15 juin : « Pianoforte », projection du film de Jakub Piatek sur les coulisses du Concours Chopin de Varsovie 2021 (16h) ; Alexandre Tharaud accompagné du Quatuor Arod (20h30) ;
Dimanche 16 juin, le pianiste ukrainien Dmytro Semykras (11h) et le pianiste britannique Benjamin Grosvenor (16h).
Informations : www.festivalnohant.com