22 Juin COMPTE-RENDU DU WEEK-END du 17 et 18 JUIN 2023
COMPTE-RENDU DU WEEK-END du 17 et 18 JUIN 2023
Par-delà les frontières
Les samedi 17 et dimanche 18 juin, pour son 3e week-end sur le thème « Les Voyages de Frédéric Chopin », le Nohant Festival Chopin accueillait au domaine de George Sand, l’écrivain Sylvain Fort, les pianistes François-Frédéric Guy et Jean-Baptiste Fonlupt ainsi que la mezzo-soprano Victoria Shereshevskaya en duo avec Rena sa mère, pianiste et pédagogue de renom.
La musique nous prend souvent comme une mer
Quel effet la musique fait-elle sur notre corps et notre esprit ? Comment s’empare-t-elle de nous jusqu’à devenir une obsession ? Invité de la causerie-rencontre de Jean-Yves Clément, le conseiller musical et littéraire du Festival, l’écrivain Sylvain Fort s’est penché sur ces questions dans son ouvrage « La musique nous prend souvent comme une mer » (éd. Le Passeur). Incontestable, nous dit l’écrivain, que la musique produise sur nous un effet quasi-magique en nous entraînant dans des contrées qui échappent à notre conscience et à notre volonté. Toutefois « tout ne se vaut pas » ; comme un vin « long en bouche », il y a des musiques « longues à l’oreille » sur lesquelles on revient à plusieurs reprises, voire obsessionnellement, jusqu’à en avoir compris le langage. Mais quel langage ? Et pour nous dire quoi ? Sylvain Fort nous donnera quelques clés en nous faisant écouter, entre autres, le finale de Don Giovanni de Mozart où affleure l’harmonie du retour à l’ordre après les péripéties de l’action ; idem pour Beethoven et sa 9e Symphonie qui, partant du chaos originel, mène à l’hymne fraternel que nous connaissons tous. Quant à Wagner, il crée son monde et sa propre liturgie. Grâce à Sylvain Fort, de nouvelles portes s’ouvrent sur notre éden musical, qu’il en soit remercié.
François-Frédéric Guy, l’humaniste
Chopin puis Beethoven, un programme de choix nous attend.
Après une entrée en matière composée du Nocturne en do mineur n° 1 puis la Ballade n° 1 de Chopin, François Frédéric Guy interprète la Sonate n° 3 en si mineur du compositeur, puis la Sonate n° 32 en do mineur de Beethoven que nous avons le privilège d’entendre par le plus beethovénien des interprètes. Deux sonates puissantes, très différentes l’une de l’autre et quasi-testamentaires puisque ce sont les ultimes sonates pour piano des deux compositeurs : celle de Chopin se replie sur les aspects les plus personnels de son inspiration, celle de Beethoven semble appréhender l’arc musical dans sa globalité, de Bach à Scriabine en passant par le jazz. Avec l’art le plus subtil, sous les braises de la passion et de la colère, le pianiste nous révèle l’infinie tendresse qui émane de ces œuvres. Car François-Frédéric Guy est avant tout un humaniste, c’est pour cela qu’on l’apprécie. En bis, il rend hommage à Nicholas Angelich qui fut son ami en lui dédiant le Nocturne en do dièse mineur op. posthume, puis il conclut avec l’Étude dite « révolutionnaire » op. 10 n° 12.
Scoop dominical
Le tremplin-découverte du dimanche matin accueille la mezzo-soprano Victoria Shereshevskaya dans un programme de mélodies franco-russes dédiées à l’amour. Elle est accompagnée au piano par sa mère Rena, pianiste et pédagogue renommée, professeure entre autres d’Alexandre Kantorow que les festivaliers ont pu entendre à Nohant bien avant son Prix Tchaïkovski.
Profitant de la Fête des Pères, Jean-Yves Clément glisse quelques mots sur le père de Chopin, Nicolas, qui était français. Poussé par les événements, son fils partagera sa vie entre la Pologne et la France et finira par dire « qu’il aime les Français comme les siens ». Belle introduction à un scoop d’envergure : le jumelage entre la maison natale de Chopin à Zelazowa Wola en Pologne et la maison de George Sand à Nohant, une initiative d’Yves Henry saluée à hauteur de l’événement par le public.
Jean-Yves Clément nous rappelle ensuite que tous les compositeurs depuis Mozart ont écrit des mélodies (même Yves Henry !). Ainsi Victoria interprète des œuvres de Liszt, Bizet, Chaminade, puis des russes Metdner, Tchaïkovski, Glinka, Prokofiev, un répertoire dans lequel sa voix profonde et son expressivité font merveille. Pour terminer, ce sont deux Mazurkas de Chopin sur lesquelles Pauline Viardot a mis des paroles « légères » de L. Pomey.
Bel instant de romantisme grâce à ce duo de musiciennes dont le public salue avec ferveur l’entente humaine et artistique.
Jean-Baptiste Fonlupt, l’homme-orchestre
L’après-midi, Jean-Baptiste Fonlupt prend place au clavier du piano Bechstein de concert dans un programme d’envergure et hautement romantique : l’Arabesque de Schumann, la Ballade n° 2 de Chopin, puis deux Fantaisies : celle en do majeur, op. 17 de Schumann puis la Fantaisie en fa mineur op. 49 de Chopin. Pour terminer ce seront les Funérailles et le Grand solo de concert de Liszt. Pianiste exceptionnel, Jean-Baptiste Fonlupt est rien moins qu’un homme-orchestre. Sans effet de manche, avec une simplicité et une puissance déconcertantes, il nous déroule ces chefs-d’œuvre, attentif à la justesse des nuances mais sans afféterie ni baisse de régime, au contraire, avec une belle progression au fur et à mesure de l’avancée du concert. On est ébloui par le jeu virtuose et sensible du pianiste, qui conclut ce troisième week-end du Festival avec le Prélude n° 13 de Chopin, qui selon lui, est « le seul que l’on peut jouer seul ». Dommage, on aurait bien aimé entendre les 23 autres…
Atelier virtuose
Initié en 2011 par Yves Henry, la « journée des enfants » a pris de l’ampleur au fil des ans et accueille désormais, sous l’impulsion passionnée d’Elisabeth Mouré, la conseillère pédagogique de la circonscription de La Châtre, 345 élèves des classes primaires environnantes. Animé par un virtuose de la parole, Bertrand Périer, illustré au piano par un deuxième virtuose, Yves Henry, et de grande qualité pédagogique, l’Atelier « Chopin » fera sans aucun doute naître des vocations chez tous ces petits virtuoses en herbe qui prendront le relai pour faire vivre et transmettre à leur tour ce magnifique patrimoine.
A suivre :
Samedi 24 juin
16 h : Projection du film « Quatuor Arod, ménage à quatre » en présence du réalisateur Bruno Monsaigeon
20 h 30 : Récital de Leif Ove Andsnes dans un programme Schubert, Chopin, Mozart, Brahms
Dimanche 25 juin
11 h : Tremplin-découverte avec la violoniste Raphaëlle Moreau accompagnée au piano par Yves Henry dans un récital Brahms, Franck et Tchaïkovski
16 h : Récital de la violoncelliste Camille Thomas violoncelliste et du pianiste Julien Brocal dans des sonates de Chopin, Franchomme et Rachmaninov.