Compte-rendu semaine du 18 au 24 juillet 2024

Compte-rendu semaine
du 18 au 24 juillet 2024

Avant-propos

Jeudi, France Bleu Berry, installe ses tréteaux dans la cour de la Bergerie pour une émission en direct. Yves Henry, le président du Festival, Sylviane Plantelin, la vice-présidente et Jean-Yves Clément, le conseiller musical et littéraire, évoquent les riches heures du Festival en compagnie d’Elisabeth Braoun, l’administratrice du domaine de George Sand et de François Daugeron, le maire de Sainte-Sévère, vice-président du Conseil départemental de l’Indre.

Compte-rendu des samedi 29 et dimanche 30 juin 2024

Olympe pianistique

Présentant la soirée d’ouverture, Yves Henry rend hommage à Benoît Duteurtre, dont la disparition brutale bouleverse le monde musical. Venu à l’occasion d’une causerie à Nohant, l’essayiste a été lauréat du Prix Pelléas initié par le Festival, dont il a rejoint le jury.
Suit le récital de Nikolaï Lugansky dans un crescendo romantique : les Six Romances sans paroles de Mendelssohn, puis les Ballades n° 3 et 4 de Chopin couronnées d’une apothéose wagnérienne : 4 scènes du Crépuscule des Dieux dans un arrangement réalisé par le pianiste, suivies d’une transcription de la Mort d’Isolde par Liszt. Un souffle épique et chargé d’émotion traverse l’assistance subjuguée par le jeu profond et puissant d’un artiste simplement génial. Rachmaninov et Tchaïkovsky concluent ce moment grandiose.

Masterclasses

Vendredi, première des quatre masterclasses données par Yves Henry sur piano ancien et moderne. Les pianistes en résidence et le public sont invités à pénétrer les arcanes des partitions chopiniennes. Très appréciée d’un public nombreux et studieux, chaque session permet de prendre la mesure de la précision du compositeur, de l’érudition du maître et du travail d’orfèvre auquel l’apprenti concertiste doit se vouer.

Chopin et ses contemporains

Le musicologue Jean-Jacques Eigeldinger, « l’âme de Chopin » selon Jean-Yves Clément, retrace en deux conférences la capitale musicale que fut Paris quand Chopin y arrive le 5 octobre 1831. Il pouvait y croiser alors : Rossini, Berlioz, Paganini, Auber, Halévy, Meyerbeer, Bellini, Clara Schumann, Field et bien sûr, Liszt qui inventera en 1840 le récital de piano.
Rivaux, les virtuoses prolifèrent, que les salons s’arrachent. 200 facteurs de piano dont les célèbres Pleyel et Erard accompagnent la tendance qui compte néanmoins un contempteur, Heinrich Heine : « Pianoforte, c’est le nom de l’instrument de torture dont le beau monde est châtié, ce sempiternel carillon au son criard et dur ».
Le musicologue analyse L’Hexaméron, une œuvre collective initiée par Liszt composée par six pianistes-compositeurs (Liszt, Chopin, Czerny, Fétis, Thalberg, Herz) sur un thème des Puritains de Bellini où le clair-obscur de la variation de Chopin se démarque du style brillant des cinq autres.
Concluons la querelle des virtuoses avec cet avis d’un témoin de l’époque :
« Quand on demandera quel est le plus grand pianiste du monde, Thalberg ou Liszt, on dira Chopin ».

Elégance

La pianiste Nathalia Milstein joue devant Nikolaï Lugansky resté à Nohant pour l’écouter. Respectueuse du public, la pianiste lui annonce avoir modifié son programme qui comprendra les Variations op. 19 de Tchaïkovsky, les Images de Debussy, la Ballade n° 2 de Chopin puis la Fantaisie de Schumann, l’ensemble excellemment interprété par une pianiste au jeu vif, précis et imaginatif. En bis, elle donne un Prélude de Prokofiev adroitement rythmé.

L’âme du romantisme

Samedi, dans le jardin de la maison de George Sand, l’impromptu musical et littéraire réunit Ulysse Robin alias Tourgueniev, Mélissa Irma alias Sand, et Delphine Lacheteau alias Viardot. Jouée par les jeunes pianistes en résidence, la musique de Chopin ponctue la correspondance enflammée de trois artistes dont le noble langage et les sentiments exaltés ravissent l’âme. Deux papillons folâtrent joyeusement autour des jeunes comédiens tandis que l’orage gronde au lointain. Un moment de romantisme à l’état pur.

Un quatuor et deux concertos

Les deux Concertos de Chopin sont donnés en version chambriste par Célia Onetto Bensaid dans le Concerto n° 2 puis Eric Guo dans le Concerto n° 1 accompagnés du Quatuor Elmire. Saluons la sensibilité de Célia Onetto Bensaid et le jeu clair d’Eric Guo qui en interprétant cette œuvre a remporté la finale du Concours Chopin de Varsovie sur piano historique en 2023. Saluons aussi l’interprétation des Elmire dans le poétique Quatuor à cordes n° 14 de Mozart donné en ouverture du récital.
En bis, Eric Guo donne deux œuvres de Chopin.

Feu d’artifice

Dimanche, tremplin-découverte avec le très jeune lauréat du Prix Cortot 2024, Ryan Wang, 17 ans, dont le programme est commenté par Jean-Yves Clément : les Préludes de Chopin du 13 au 24e, composés à Majorque et qualifiés « d’œuvre où Chopin a enfermé ses états d’âme », suivis de la Sonate n° 2 dite funèbre, « une œuvre si visionnaire et hallucinée qu’elle inquiètera Schumann lui-même ». Puis suivront de Liszt « l’anti-chopin, l’un se réduit quand l’autre s’étale », les Réminiscences de Don Giovanni, « une œuvre joyeuse qui se termine par un feu d’artifice » qui flamboie effectivement sous les doigts d’un jeune artiste alliant une savante profondeur à une colossale virtuosité. Ryan Wang propose trois bis, Bach, Liszt, puis une Lettre à Elise délicieusement jazzy.

Simplicité

Le pianiste irlandais Finghin Collins nous dit son plaisir de découvrir Nohant, un lieu à la fois « inspirant voire même un peu intimidant » où il est venu interpréter les Trois Nocturnes op. 9 de Chopin, puis les Variations de Clara Wieck-Schumann op. 20 suivies des Papillons de Robert Schumann. En deuxième partie, ce seront Trois Romances de Mendelssohn, les Quatre Mazurkas op. 17 et de la Ballade n° 4 de Chopin. Retenue, élégance et poésie, pimentées de ferveur et d’humour, caractérisent ce pianiste qui met son talent au service des œuvres avec une humilité qui va droit au cœur du public. En bis, Irlande oblige, il joue deux pièces de John Field, le créateur du nocturne que Chopin a sublimé, dont le joyeux « Le Midi ».

Morceaux choisis

Retour sur scène d’Eric Guo dans un ambitieux programme « tout Chopin » joué sur piano Pleyel 1844 puis sur piano moderne : Trois Mazurkas op. 56, la Polonaise op. 44 et les Variations sur Là ci darem la mano puis sur piano moderne l’Impromptu n° 3, le Prélude op. 45, les Ballades n° 3 et 4 ainsi que le Nocturne n° 2 op. 55. Malgré son jeune âge, Eric Guo est doté d’une virtuosité et d’une assurance énormément appréciées du public. En bis, il propose plusieurs œuvres de Chopin qui sont suivies d’une belle ovation du public.

Féérie romantique

Menée par les Gas du Berry, la balade nocturne entraîne le public dans le Parc du domaine de George Sand où il retrouve les jeunes comédiens et la correspondance de Tourgueniev, Sand et Viardot. L’interprétation du Nocturne posthume en do dièse mineur de Chopin par Yves Henry conclut ce parcours enchanteur magnifié par les costumes romantiques des trois comédiens et de savants éclairages.

Hit-parade

Lundi, Jean-Yves Clément a invité Alain Lompech à une causerie-rencontre intitulée « Samson amoureux de Chopin » à l’occasion du centenaire de la naissance du pianiste. Dernier pianiste « populaire », Samson François est nommé plusieurs fois n° 1 au hit-parade avec 2 millions de disques vendus dans le monde entier. Ayant réécouté toute la discographie du pianiste, Alain Lompech confesse « avoir remis à zéro sa conception de l’interprétation de Chopin, admirant la capacité de l’artiste à articuler les lignes de chant et son éloquence sensible mais jamais sentimentale ». Auprès de Cortot, Long et Lefébure, Samson François a appris à « jouer propre » et symbolise « la queue de la comète de la transmission du piano français et de l’art de Chopin ».

Minimalisme

En récital, Denis Kozhukhin, récipiendaire du prestigieux Prix Reine Elisabeth en 2010, donne Les Scènes d’enfants op. 15 de Schumann, la Sonate n° 3 de Chopin puis les 24 Préludes op. 28 de Chopin. Malgré des effets magnifiques qui affleurent, l’artiste semble avoir choisi le parti-pris de laisser courir une musique si géniale qu’elle s’interprète toute seule. En bis, ce seront deux courtes œuvres de Grieg.

Fauré vs Chopin

Mardi, célébration du centenaire de la mort de Gabriel Fauré avec une conférence de Jacques Bonnaure intitulée « Chopin et Fauré, une rencontre ». Si Chopin a inspiré Fauré, ce dernier reste mal aimé des pianistes. Raisons de ce désamour : la difficulté du texte et des harmonies inspirées du plain chant de l’Ecole Niedermeyer, les doigtés compliqués de l’organiste allié au manque d’aspect sentimental de ses compositions.
Autant de difficultés surmontées haut la main le soir même par Nicolas Stavy qui mettra en miroir les œuvres de Chopin et Fauré à l’instar des Nocturnes, de la Ballade et d’une Mazurke inédite. Pianiste au jeu solide et convaincant, Nicolas Stavy révèle l’univers poétique de Fauré porté par quelques immarcescibles chefs-d’œuvre de Chopin. Un bis de Chopin puis de Schubert mettent un point final à cette soirée musicale donné par un artiste heureux de partager son amour de la musique avec le public de Nohant.

Finale

Mercredi, le Festival se referme avec Chopin sous les doigts des trois jeunes pianistes en résidence, Hanaka Nimiya, Kamila Sacharzewska et Kim Bernard dont Yves Henry souligne l’excellence en baptisant leur promotion d’un nom prestigieux : « Samson François ».

Puis symbolisant le passage de la musique classique à la musique traditionnelle, les vielles et les cornemuses des Gâs du Berry prendront joyeusement le relai sur la scène de l’auditorium.

En conclusion, remercions tous ceux qui ont concouru à la réussite de la 58e édition du Festival, artistes, public, partenaires et organisateurs qui avec une inaltérable passion perpétuent chaque année l’héritage romantique au sein d’un lieu unique : le domaine de George Sand à Nohant (Centre des monuments nationaux).

A venir :
Dans le cadre du Nohant Festival Chopin Hors les murs, plusieurs concerts et événements sont programmés en août, septembre et octobre : festivalnohant.com/programme-hors-les-murs-2024

*Crédits photos et vidéos Martine LE CARO

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