
30 Juil De la musique encore et toujours !
DANG THAI SON, SOPHIA LIU, Joseph MOOG, Alice POWER, Szymon NEHRING, Martin KASIK, Dmitry ABLOGIN, Philippe BIANCONI et les JEUNES SOLISTES
Compte-rendu semaine du 17 au 23 juillet
De la musique encore et toujours !
Après quatre week-ends en juin, Chopin l’Européen a poursuivi son périple du 17 au 23 juillet pour une semaine plus spécifiquement dédiée au compositeur.
Poésie
Jeudi soir – Le pianiste vietnamien Dang Thai Son inaugure la semaine. En première partie, Debussy : la Rêverie, le 1er Livre d’Images, Deux Arabesques et Children’s Corner. Après cet univers tendre, glissando dans les profondeurs de l’âme chopinienne : deux Nocturnes posthumes, en do mineur et do dièse mineur, la Barcarolle op. 60, quatre Valses et le Scherzo n° 2. La poésie du monde se déverse dans l’auditorium sous les doigts de ce grand maître de de l’harmonie. En bis, ce sera la Danse de Puck de Debussy suivie d’une Mazurka de Chopin.
La Saint Frédéric
Vendredi – Jour de rentrée pour les élèves d’Yves Henry, le Président du Festival, pour la première de ses quatre masterclasses publiques. Dissection de l’Andante spianato et Grande polonaise brillante de Chopin avec Anaïs Cassiers, une élève de l’École Normale de Musique de Paris Alfred Cortot qui doit apprivoiser en live le piano Pleyel 1839 identique à ceux sur lequel Chopin composait. La pianiste travaille avec application sa main gauche et l’utilisation de la pédale « qui déterminent la couleur de la pièce, la mélodie étant la cerise sur le gâteau » indique le maître tandis que les studieux élèves se plongent dans les secrets les plus intimes de la partition chopinienne affichée sur l’écran.
Violence et passion
Accueilli par Jean-Yves Clément, le conseiller musical et littéraire du Festival, le musicologue Jean-Jacques Eigeldinger propose une conférence à l’accent viscontien : « Violence et passion, le paysage mental de Chopin reflété dans son œuvre ». Ce sujet enrichi des témoignages de George Sand et Franz Liszt, esquisse le portrait d’un être nostalgique et hypersensible, à la constitution délicate, aux réactions imprévisibles « fâché il était effrayant », « à la nervosité la plus aigüe contenue par la plus parfaite correction mondaine ». Chopin a vécu « dans un carcan dont il s’échappe dans son œuvre qui passe de la transe angoissée au plus magnifique lyrisme du Bel canto », « un compositeur à l’idéal classique confronté à une puissance créatrice visionnaire qui le domine. » Une clé essentielle pour comprendre son œuvre.
Coup de jeune
Le soir, récital de Sophia Liu, une élève de Dang Thai Son, âgée de 17 ans. Attiré par la réputation de la jeune prodige, le public fait salle comble. Dotée d’une technique, d’une grâce et d’une puissance d’interprétation peu communes, la gracile pianiste déroule un programme en phase avec sa jeunesse : la Suite de Casse-noisette de Tchaïkovski, le Sonnet de Pétrarque n° 123 suivi des Réminiscences de Norma de Liszt. Puis ce seront de Chopin les 4 Mazurkas op. 17, l’Andante spianato et la Grande Polonaise brillante ; et pour conclure les Variations op. 2 sur La ci darem la mano. A l’origine pour piano et orchestre, ce fut l’un des grands succès publics de Chopin âgé de 19 ans : « Tout le monde applaudissait si fort après chaque variation que j’avais du mal à entendre le tutti de l’orchestre ». Sophia Liu elle aussi recevra l’aubade enthousiaste d’un public soudain rajeuni et ravi de s’amuser avec elle. Elle donne quatre bis : Une Valse, une Étude de Chopin, puis la Marche turque de Mozart revisitée par Arcadi Volodos et le Tournament Galop de Louis Moreau Gottschalk.
Sand – Delacroix
Samedi, Impromptu littéraire et musical devant la maison de George Sand. Deux jeunes comédiens de l’Académie du Festival, Constance Guiouillier alias George Sand et Loïc Mobihan alias Delacroix lisent avec un parfait à propos, la correspondance des deux artistes (Passeur éditeur) où l’art et la vie s’entrecroisent au carrefour de leur longue amitié. Nous voilà dans l’intimité de ces êtres d’exception qui partagent leurs préoccupations familiales et artistiques. « En voilà du français comme on n’en parle plus que sous terre si les grands morts peuvent encore s’entretenir » écrit Delacroix à l’écrivaine. Instant privilégié d’écouter dire ces belles lettres à Nohant ponctuées d’œuvres de Chopin, alias « Chip-Chip et Chopinet » pour les intimes, interprétées sur un Pianino Pleyel de 1836 par deux des jeunes solistes en résidence : Anaïs Cassiers et Coco Shimada.
Chopin – Liszt
L’auditorium accueille le pianiste Joseph Moog, un artiste virtuose au vaste répertoire, dans un audacieux programme Chopin-Liszt : les quatre Scherzos de Chopin vont alterner avec les Ballades et les Polonaises n° 1 et n° 2 de Liszt. Le public apprécie la maturité de cet artiste au jeu puissant et équilibré qui fait sonner à la perfection la succession de chefs-d’œuvre de deux compositeurs aux inspirations contraires. Trois bis concluront ce récital : Das Abends (le Soir) de Robert Schumann, l’Etude de concert « La leggierezza » de Franz Liszt et une touchante Chanson sans parole de Félix Mendelssohn.
Minacciosa
Dimanche – Le tremplin-découverte est dédié à Alice Power, la lauréate du Prix Cortot 2025. Jean-Yves Clément, le Bossuet du Festival dont les présentations musicales sont aussi suivies que les sermons de son grand aîné, déroule le programme : la Fantaisie chromatique et fugue en ré mineur de Jean-Sébastien Bach « étonnante de jeunesse et de liberté, déjà très romantique », puis « une poignée de six Préludes extraits de l’opus 28 où Chopin en moderne qui s’ignore, a génialement imprimé l’alternance de ses états d’âme » puis une fresque très sombre, la Fantaisie op. 49 dont Chopin écrit : « le ciel est bleu, je viens de terminer ma Fantaisie et mon cœur est noir ». En final, une pièce virtuose : la Sonate Minacciosa en fa mineur de Nikolaï Medtner, « une sonate orchestrale très lyrique – voire même un gros gâteau slave – d’un compositeur post-romantique très inspiré, qui composait trop de notes selon Rachmaninov », un « prélude dilaté, qui bouscule et réinvente le passé, ce qui doit être le cas de la vie » conclut Jean-Yves Clément. Saluons la personnalité de la jeune pianiste qui a enchaîné avec justesse et ce qu’il faut de liberté, ces œuvres complexes et su guider un public reconnaissant dans la labyrinthique Sonate de Metdner. En bis ce sera le mouvement lent de la Sonate de Rachmaninov pour violoncelle et piano “arrangé” pour piano seul par Arcadi Volodos, suivi d’une improvisation sur Misty d’Eroll Garner.
Révélation 1
Nouveau sur la scène du Festival, le pianiste polonais Szymon Nehring donne un ambitieux programme Chopin : le Boléro en la mineur op. 19, le Rondo à la Mazur, 3 Mazurkas op. 56, les Scherzos n° 2 et n° 4, le Nocturne n° 1 op. 15 et pour terminer la Sonate n° 2 dite funèbre. Un programme à la mesure du talent de l’interprète, à la sonorité sensible, qui met en exergue un Chopin guerrier faisant surgir à la perfection d’un agglomérat de notes rageuses, la mélodie la plus divine. Suspendu au discours musical de l’artiste, l’auditorium lui fait un triomphe. En bis ce sera Chopin avec une Valse et une Etude.
Medley dominical
Le soir le concertiste tchèque Martin Kasik propose 4 tubes de Chopin : les Ballades n° 1 et 3 suivies des Scherzos 1 et 2 dans une interprétation fluide et consensuelle qui enchante le public. Ensuite le Trio Il Pavone composé de Thibaut Reznicek (violoncelle), Alexandra Swigut (piano Pleyel 1844) et Jean Sautereau (alto) donnent sur instruments historiques, le Trio pour piano et cordes op. 8 en sol mineur, une œuvre de jeunesse de Chopin où l’importance de la partie pianistique indique à l’évidence la voie que choisira le compositeur. L’ardeur toute slave du dernier mouvement emballera la salle. En bis ce sera le lied du Trio de Fanny Mendelssohn.
Chopin et son temps
Lundi, Jean-Jacques Eigeldinger propose sa deuxième conférence : « Quand Chopin s’exprime sur l’Europe musicale de son temps ». Il est communément admis que Chopin n’admirait que Bach et Mozart alors qu’il se montrait réservé quant aux compositeurs de son temps. Le musicologue nous démontre le contraire. Classique de formation et romantique d’imagination, Chopin aimait Rossini, Weber, Meyerbeer, Mendelssohn, Berlioz, Alkan et Bellini qui fut son ami. S’il ne dit rien de Schumann, il lui dédiera toutefois sa deuxième Ballade. Sur Liszt, il porte un jugement visionnaire : « J’attends ce qu’il fera quand il sera calme. Il réussira un jour. ». Sa disparition précoce empêchera le compositeur de voir sa prédiction se réaliser.
Révélation 2
Passé par l’école Gnessine de Moscou et la Hochschule für Musik de Francfort, le pianiste russe Dmitry Ablogin donne un récital sur le piano Pleyel 1846 du Festival : le Rondo à la Mazur suivi du Nocturne n° 2 op. 27 de Chopin, quelques lieder de Fanny Mendelssohn suivi du Rondo capriccioso de Félix, puis des Nocturnes de John Field et la Sonate n° 5 de Johann Nepomuk Hummel, un compositeur peu joué en récital. Autant pianiste que poète, Dmitry Ablogin déploie avec une évidence calme et communicative, la palette riche, intime et nuancée de cet instrument hypersensible. Le public est sous le charme. En bis, trois œuvres de Chopin.
Chopin et Ravel
Mardi, Karol Beffa planche avec la complicité de Jean-Yves Clément sur l’influence de Chopin sur Ravel dont on célèbre les 150 ans de la naissance. Soit deux musiciens intellectuels « à l’inspiration endiguée qui partagent le rubato et l’amour du Bel Canto », et l’adage que « rien n’est plus haïssable qu’une musique sans arrière-pensée ».
Travaux pratiques, le soir avec le programme de Philippe Bianconi. En première partie, ce sera Chopin avec le Prélude en do dièse op. 45, la Barcarolle op. 60, la Polonaise-Fantaisie op. 61 et le Scherzo n° 1. Puis après les Deux légendes de Liszt, viendra Gaspard de la Nuit de Ravel. Après s’être confronté à la rigueur de Chopin, le pianiste donne une interprétation inspirée des œuvres de Liszt et Ravel, démontrant au passage que malgré une apparente simplicité, n’est rien de plus difficile que d’interpréter Chopin. En bis, ce seront deux oeuvres de Chopin dont le Nocturne en do dièse n° 1.
La relève
Traditionnellement, le récital de clôture est délivré par les trois jeunes artistes en résidence au Festival, qui auront travaillé des œuvres de Chopin en masterclasse avec Yves Henry. La promotion 2025 réunissait la brillante Anaïs Cassiers sélectionnée parmi les étudiants de l’École normale Alfred Cortot de Paris, la fervente Coco Shimada, lauréate de la 5e édition du Nohant Festival Chopin Competition in Japan et le nuancé Andrzej Wiercinski, un jeune polonais vainqueur du Concours Chopin national en Pologne et à ce titre présélectionné pour le concours Chopin de Varsovie de 2025. Le public salue chaleureusement cette génération talentueuse qui cultive avec courage et détermination sa passion.
2026 !
Cette 59e édition a rencontré une forte adhésion du public, venu toujours aussi nombreux et fidèle cette année au Festival, certainement heureux de trouver à Nohant, en cette période troublée, un incomparable havre de paix. Qu’il en soit remercié ainsi que les fidèles mécènes, soutiens et partenaires du Festival.
Chopin l’Européen s’efface pour faire place à la saison 2026 qui sera marquée par deux grands événements : les 60 ans du Festival et les 150 ans de la mort de George Sand.
Yves Henry, le Président du Festival, Sylviane Plantelin, la vice-présidente et Jean-Yves Clément, le conseiller artistique et littéraire, les équipes et les bénévoles donnent rendez-vous au public le mercredi 11 mars 2026 Salle Cortot à Paris pour le concert de lancement de la 60e édition qui aura lieu du 6 juin au 22 juillet au domaine de George Sand à Nohant. Puis du 15 au 23 août, un événement inédit couronnera cette saison exceptionnelle : le Premier Concours international Chopin Pleyel à Nohant, organisé conjointement par les Pianos Pleyel, le Centre des monuments nationaux et le Nohant Festival Chopin.
(Informations : festivalnohant.com/concours-international-de-piano-chopin-pleyel-a-nohant)
NB : Les concerts du programme Hors les murs du Festival continuent chaque dimanche d’août puis en septembre à l’occasion des journées du patrimoine. Voir le programme Hors les murs


























