10 Déc La laïcité, un des combats du Romantisme
Rendez-vous littéraire très apprécié, le Prix Elina et Louis Pauwels a été remis le jeudi 27 novembre à l’Hôtel de Massa sous l’égide de la Société des Gens de Lettres. Animée par Sylviane Plantelin, Présidente du jury et par ailleurs, vice-présidente du Nohant Festival Chopin, la soirée s’est déroulée en présence du nouveau président de la SGDL, Mathieu Simonet et des membres du jury, Jean-Claude Bologne, Dominique Le Brun, Hélène Renard, Henriette Walter, Marie Sellier(excusée) et de la lauréate du Prix 2018, Sylviane Agincinski.
En maîtresse de cérémonie émérite et chaleureuse, Sylviane Plantelin a rappelé les fondamentaux du Prix qui récompense un essai manifestant « un esprit d’ouverture dans le débat d’idée, faisant place à la morale, l’esthétique, la philosophie, la science, la spiritualité, et les questions de société dans le monde contemporain ou dans l’Histoire ».
En préliminaire à la remise du Prix, Anne-Isabelle Tollet, lauréate du prix en 2015 pour son ouvrage « La mort n’est pas une solution » consacré à la jeune pakistanaise Asia Bibi, condamnée à mort pour blasphème, est venue donner des nouvelles de sa protégée. Non seulement, la jeune femme est libre mais elle est à l’origine d’une jurisprudence contre le fondamentalisme religieux, visant à condamner les dénonciations calomnieuses. Bientôt en France, Asia Bibi ne manquera pas de venir remercier le jury pour son soutien.
Sylviane Plantelin a repris la parole pour faire le portrait du lauréat du Prix 2019, Philippe Raynaud, récompensé pour son ouvrage « La laïcité, histoire d’une singularité française » (Ed. Gallimard). Outre l’impressionnant curriculum-vitae de cet universitaire chevronné, Sylviane Plantelin a souligné deux traits de son caractère : la confiance dans l’avenir – « Il y a toujours une solution moins mauvaise que les autres », dit-il – et d’homme de défis passionné par ses sujets – la laïcité en est un – qui reproche aux élites leur manque de vision et d’anticipation.
Sylviane Agacinski a présenté l’ouvrage primé, saluant particulièrement « l’étude approfondie réalisée par l’auteur sur la laïcité en France des origines à nos jours » et son analyse de la « synthèse entre l’état et la religion réalisée par la loi de 1905 puis la constitution de 1958 », une synthèse mise à mal aujourd’hui avec l’arrivée d’une nouvelle religion. Dans son intervention, la philosophe a mis l’accent sur un sujet qui lui est cher, le statut des femmes tant il est lié à celui de la laïcité.
Remerciant le jury, Philippe Raynaud a souligné que son récit historique sur la laïcité avait pour objet de « donner un cadre éclairant les moments actuels » et a délivré en conclusion une citation d’Anatole France (prononcée au sujet de l’Affaire Dreyfus) : « La raison, combattue et méprisée, finit toujours par prévaloir… Nous aurons raison parce que nous avons raison ».
En illustration du thème de la soirée, Marie Christine Barrault a lu avec le talent et la conviction qu’on lui connait, des extraits de lettres de George Sand (1) et le remarquable discours prononcé par Victor Hugo à la Chambre au sujet d’un projet de loi sur l’enseignement (2). Dans ces textes, les deux auteurs dénoncent le sectarisme de l’église et son emprise sur les femmes, les sciences, les arts et l’éducation.
La lecture de ces lettres a été ponctuée au piano par Yves Henry, le président du Nohant Festival Chopin, qui a rappelé que les compositeurs romantiques n’avaient pas été étrangers à ces combats. Il a interprété sur un piano droit antique – et qu’il doit être le seul à pouvoir faire sonner aussi bien preuve s’il en fallait que ce n’est pas le piano qui fait le pianiste ! -, les Valses romantiques op. 4 de Clara Schumann, le Nocturne op. 27 n° 2 de Frédéric Chopin puis la sublime Arabesque op. 18 de Robert Schumann.
Cette soirée se déroulait sous le portrait tutélaire des grands esprits du 19e siècle, à l’instar d’Hugo, de Balzac, de Dumas, de Gautier… et d’une seule femme George Sand, tous fondateurs de la Société des Gens de lettres en 1838 et réunis sur la tapisserie ornant la salle de réception de l’Hôtel de Massa (3). Ils nous rappellent que le courage politique, l’éloquence et l’esprit visionnaire des artistes sont des vertus intemporelles qui ont certainement encore un grand rôle à jouer dans la vie publique d’aujourd’hui.
Références :
1 – George Sand et les églises de Bernard Hamon (Edition de l’Harmattan)
2 – Discours de Victor Hugo https://www.apmep.fr/IMG/pdf/education_v_hugo.pdf
3 – Hôtel de Massa https://www.sgdl.org/phocadownload/Massa/MASSA_FINAL_Web.pdf
(Sur la photo de g. à d. Sylviane Plantelin, Mathieu Simonet, Yves Henry, Marie Christine Barrault, Anne-Isabelle Tollet, Henriette Walter, Jean-Claude Bologne, Sylviane Agacinski, Dominique Le Brun, et Hélène Renard /Crédit photo : Yann Audino)