
05 Juin Les artisans de la liberté
Sylviane Plantelin entourée des lauréats, du jury et des artistes
Les artisans de la liberté
Le 22 mai dernier, l’hôtel de Massa rouvrait ses portes en avant-première après avoir été restauré dans tout son éclat, pour accueillir la remise des Prix 2023 et 2024 Elina et Louis Pauwels, une distinction attribuée sous l’égide de la Société des Gens de Lettres abritée en les lieux. Ce prix récompense chaque année depuis 1998, un « essai manifestant un esprit d’ouverture dans le débat d’idées dans le monde contemporain et dans l’histoire ».
Présidente du jury, Sylviane Plantelin – mais aussi Vice-présidente du Nohant Festival Chopin depuis 15 ans aux côtés du président Yves Henry -, accueillait le public dont de nombreux anciens lauréats, avec une émotion tangible car elle allait présenter les deux dernières éditions de ce prix. Créé il y a 25 ans, Elina Pauwels avait ainsi souhaité rendre hommage à son mari, Louis Pauwels, un homme aux multiples facettes « qui n’avait jamais cessé d’interroger le monde, de repousser les limites de la pensée rationnelle, de tisser des ponts entre les disciplines et en particulier entre la littérature et les autres arts ». Une approche intellectuelle qui n’aurait pas déplu à George Sand considérée comme la marraine de la soirée. En effet, elle fut, rappelons-le, administratrice de la Société des Gens de Lettres et figure à ce titre en bonne place sur la tapisserie d’Aubusson de l’hôtel de Massa en compagnie des plus éminents représentants de la littérature du 19e siècle.
Prix 2023 – Immigration : le grand déni
Après une introduction rappelant les missions de la SGDL, son président, Christophe Hardy, soulignait la qualité des essais en lice et des échanges entre les membres du jury. L’écrivain Jean-Claude Bologne, ancien président de la SGDL et membre du jury, accueillait François Héran, lauréat du Prix 2023 pour son essai « Immigration : le grand déni » (Seuil). Sociologue, anthropologue, statisticien et professeur au Collège de France, l’auteur s’est donné pour mission, à l’appui de statistiques et d’analyses rigoureuses, de donner à penser sur une actualité sujette aux opinions, polémiques et passions : l’immigration. Invoquant « l’art de la nuance et des ordres de grandeur », François Héran concluait non sans humour que le fait « de prendre la mesure des choses grâce son essai pourrait rendre service à l’action politique ».
Prix 2024 – A qui appartient la beauté ?
Sylviane Plantelin remettait ensuite le prix 2024 à Bénédicte Savoy, brillante et charismatique universitaire et historienne de l’art en Allemagne et aux Etats-Unis, pour son ouvrage « A qui appartient la beauté ? » (La Découverte). Partant du constat que les pays occidentaux ont la libre jouissance d’un patrimoine unique, ils en oublient qu’il appartient à d’autres pays coupés de leur culture. Des questions surgissent : faut-il rendre les œuvres à leurs pays d’origine ? Ou faut-il les « conserver » pour les mettre à l’abri dans les musées européens et américains ? Ou encore la beauté appartient-elle à ceux qui en tombent amoureux ? Quel est le « juste » lieu ? Autant de questions sans réponses univoques mais qui « appellent néanmoins à une éthique et à une nouvelle relation entre les pays ».
Variations sur la liberté
La soirée était scandée par des textes de Louis Pauwels, de George Sand et de sa fille Solange sur la liberté sous toutes ses formes, individuelle, artistique, politique ou féminine, un thème qui fut le fil rouge de leurs vies. Des lectures excellement servies par un duo de comédiens talentueux et passionnés de romantisme, Ulysse Robin et Eugénie Pouillot, qui préparent entre autres, un spectacle littéraire et musical donné à Nohant en 2026 à l’occasion des 60 ans du Festival et des 150 ans de la disparition de George Sand. Ces textes étaient illustrés en musique – « la langue la plus parfaite » selon George Sand – par des œuvres de Mozart et de Chopin interprétées par un jeune pianiste plein d’avenir, Nils Kittel.
Pour conclure, Sylviane Plantelin remerciait chaleureusement les lauréats, le jury ainsi que la SGDL pour cette remise de prix vouée à honorer tous ceux, chercheurs, écrivains et artistes qui œuvrent à enchanter l’humanité ; à l’instar du Prélude de Rachmaninov qui, sous les doigts virtuoses et jazzy de Nils Kittel, parachevait cette soirée en profondeur et en beauté.

