28 Oct Nuit Chopin 2022 : les chants les plus beaux

Nuit Chopin 2022

les chants les plus beaux

Organisée chaque année en hommage à Frédéric Chopin décédé à Paris dans la nuit du 16 au 17 octobre 1849, « La Nuit Chopin » s’est déroulée du 14 au 16 octobre, au Château d’Ars qui fut la demeure de Gustave Papet, médecin et ami du couple Sand-Chopin.
Lors de ce grand week-end, le public retrouvait en ces lieux Yves Henry, le Président du Nohant Festival Chopin, Sylviane Plantelin, la vice-présidente, les jeunes artistes de l’Académie du Festival et les représentants de la Fédération Internationale des Sociétés Chopin venus y tenir leur réunion annuelle.

Musset – Chopin, œuvres croisées

Dès le vendredi soir, le spectacle d’ouverture invitait le public à une immersion romantique grâce à une symbiose littéraire et musicale entre les « Nuits » de Musset et les « Ballades » de Chopin. En mots et en notes, le dialogue d’œuvres majeures de ces deux artistes aux destins parallèles, allait offrir au public le nuancier complet des émotions humaines : tandis qu’avec une diction parfaite, deux jeunes acteurs, Eugénie Pouillot, la « muse », et Ulysse Robin, le « poète », s’emparaient des vers sublimes des quatre Nuits de Musset, Yves Henry, révélait au clavier d’un Pleyel 1846 les harmonies profondes et visionnaires de l’intégrale des non moins géniales Ballades de Chopin. En finale, aux derniers vers de la « Nuit de Décembre » de Musset évoquant la solitude, répondait, entre passion et précipice, le déchaînement de l’étrange finale virtuose de la 4e Ballade de Chopin. Un bel instant de temps suspendu fort apprécié du public.

L’indomptable Augusta Holmès

Le samedi, après une masterclasse entre piano Pleyel 1846 et piano Pleyel 2022 (le facteur a en effet repris vie récemment !) donnée le matin par Yves Henry à Tomoko Nakanishi et Arisa Fujisawa, la soirée commençait par un spectacle musical mettant en scène une illustre méconnue : Augusta Holmès (1847-1903). Qualifiée « d’indomptable » par l’auteure du spectacle, Aurélie Loilier, la musicienne et compositrice Augusta Holmès fut l’élève de César Franck et l’amie entre autres de Liszt et de Saint-Saëns. Malgré l’époque qui refusait aux femmes la carrière artistique, cette musicienne au tempérament de feu que n’aurait pas reniée George Sand, composa des musiques symphoniques, plusieurs opéras et une centaine de mélodies. Avec toute la bravoure et l’impétuosité requises par le personnage, Aurélie Loillier, tantôt actrice, tantôt soprano, accompagnée au piano par Paolo Rigutto, redonna vie à l’artiste, émaillant la biographie de cette femme émancipée avec l’interprétation de mélodies qu’elle composa dont le fameux chant de Noël « Trois anges sont venus ».

Hommage à Chopin

Après un dîner convivial, le public se retrouvait pour deux récitals en hommage à Chopin. En première partie, se produisaient les deux lauréates japonaises du Nohant Festival Chopin in Tokyo piano competition 2021, entendues le matin en masterclasse : Tomoko Nakanishi (14 ans) dans Les Variations brillantes op. 12 de l’opéra « Ludovic» d’Hérold et la Polonaise n° 1 op. 62 de Chopin ; puis Arisa Fujisawa, présélectionnée pour le Concours Long Thibaud de novembre 2022, dans un répertoire Chopin dont la Sonate n° 2 op.35 dite Funèbre, la Valse n° 1 op. 34 et le Nocturne n° 1, op. 62. Le public apprécia vivement les deux artistes, la première pour la spontanéité et l’authenticité quasi-miraculeuses de son jeu de jeune prodige, la seconde pour la profondeur et la souplesse de ses interprétations.
Le pianiste autrichien Oliver Malle, lauréat 2022 du Prix international des Grands Amateurs, était accueilli en seconde partie. L’amateur, c’est « celui qui aime » et ce fut un grand amoureux du piano qui nous déroulait à la perfection plusieurs œuvres de Chopin : le Prélude n° 4 op. 28, la Fantaisie-Impromptu, les Études op. 10 n°9, et op. 25 n° 1 et 9, le Scherzo n° 1 op. 20 et le Nocturne en mi mineur op. posth. Endocrinologue à la ville, ce surdoué a hésité à 18 ans entre le piano et la médecine. Dommage pour la cause musicale !

Henry Vieuxtemps, l’âme du violon

Le dimanche, lors du brunch musical, nous faisions la connaissance du violoniste virtuose Henry Vieuxtemps (1820-1881), contemporain de Chopin et très célèbre en son siècle, ainsi que de trois jeunes talents, bien de notre époque : la violoniste Marie-Astrid Hulot, le violoncelliste Jean-Baptiste Maizières et Gaspard Thomas, le pianiste, tous trois issus du Conservatoire national supérieur de musique de Paris. En présence de l’arrière-petite-fille du violoniste, Agnès Briolle-Vieuxtemps et à l’aide de la biographie qu’elle a consacrée à son aïeul, Yves Henry déroulait les temps forts de la vie palpitante de ce musicien belge, sa formation, son art, ses voyages et ses rencontres avec tous ses célèbres contemporains, dont Pauline Viardot, proche de Sand et Chopin. Dans ses mémoires, Henry Vieuxtemps évoque ainsi l’ambiance à la cour de Russie où il fut professeur de 1846 à 1852 : «Je remarquai vite la personnalité de Nicolas, l’empereur. Personnalité extrêmement autocratique dénuée de sentiments et d’émotions. On devait suivre le tourbillon impérial en souriant constamment… Le peuple subissait la cruauté du régime et il régnait une atmosphère d’espionnage. Les Russes n’étaient pas libres ! Ni de penser et encore moins de s’exprimer. On perdait même notre liberté de jugement ». Beau témoignage de l’invariance des temps !
Quant au riche programme musical, il était digne de celui d’un salon du 19e siècle : Romances n° 1 et 8 de Vieuxtemps, Sonates n° 1 op. 13 de Fauré et n° 2 op. 99 de Brahms, Ballade n° 4 op. 52 de Chopin, Trio élégiaque n° 1 de Rachmaninov, puis Trio n° 1 de Mendelssohn et pour terminer l’Ave Maria de Gounod. Enthousiaste, le public saluait à sa juste valeur l’énergie passionnée et la connivence musicale des trois jeunes interprètes talentueux et prometteurs.

Prochains rendez-vous

Ainsi s’achevait le dernier événement du programme Hors les murs de la saison 2022 du Nohant Festival Chopin. Toutefois ne laissons rien à la nostalgie ! Deux rendez-vous sont d’ores et déjà à noter sur l’agenda des bonnes nouvelles 2023 : le lancement le jeudi 16 mars de la 57e édition du Festival, Salle Cortot à Paris, et les dates du Festival qui aura lieu du 3 juin 26 juillet sur le thème « Les voyages de Frédéric Chopin », à Nohant, au cœur du Berry, devenu terre d’élection du romantisme grâce à une grande dame, George Sand, et à tous ceux qui en perpétuent la mémoire et l’inspiration.