01 Juil Sonates d’automne
Sonates d’automne
Les samedi 25 et dimanche 26 juin, alors que la pluie et le froid éteignent les feux de la Saint-Jean, le public brave courageusement les incertitudes du temps pour venir se réconforter à Nohant auprès des talentueux artistes invités lors de ce quatrième week-end du Festival.
Femmes éternelles
Bach magistralement interprété par Marie-Claire Alain sur un orgue de Haarlem au Pays-Bas, joué par Mozart en son temps, résonne dans l’auditorium Frédéric Chopin. En effet, Bruno Monsaingeon, réalisateur de génie qui a son rond de serviette chaque année aux causeries-rencontres de Jean-Yves Clément, vient présenter un « absolu » de son immense œuvre filmographique qui est considérée par son hôte « comme un legs incomparable sur la musique » : en l’occurrence, son panthéon musical des artistes féminines méconnues. Vont se succéder Marie-Claire Alain, l’organiste, qui disparait doublement en tant que femme et organiste invisible perchée dans sa tribune, pourtant « illuminée de talent, de simplicité et de patience» ; puis ce sera la pianiste soviétique Viktoria Postnikova surnommée « La Richter au féminin » éloignée dans sa jeunesse des scènes occidentales par le « rideau de fer » et
que l’on voit en train d’accompagner au piano la chanteuse Julia Varady, une synthèse entre Callas et Schwarzkopf précisera Monsaingeon ; et encore Nadia Boulanger, pianiste, compositrice et pédagogue hors pair qui disparaîtra derrière ses célèbres élèves ; et pour terminer, la pianiste Hephzibah Menuhin qui fera carrière dans l’ombre de son grand frère. Enfant prodige (elle donna ses premiers concerts à 5 et 8 ans), artiste engagée et féministe, elle répond avec classe, finesse, sincérité et humour, aux questions que lui pose Bernard Gavoty avec la superbe d’un montreur d’ours devant un public condescendant. Elle évoque une enfance contrariée, l’admiration infinie qu’elle voue à son frère et dit avec humour qu’elle aurait aimé se marier avec Beethoven « pour s’occuper de lui car avec elle, il aurait été moins grognon ». Assurément tant Hephzibah était une femme talentueuse, délicieuse et généreuse.
Chaleur fraternelle
Le samedi soir, à mille lieues de l’ambiance compassée des années 60, c’est un vent de fraîcheur et d’énergie qui prend place dans un auditorium comble avec l’arrivée sur la scène des frères Moreau : Edgar le violoncelliste, David le violoniste et Jérémie le pianiste. Yves Henry nous rappelle qu’Edgar a joué à Nohant avec le regretté Nicholas Angelich, l’un des plus grands pianistes de notre temps, nous dit-il, alors que Jérémie est venu dès ses 15 ans en résidence à Nohant où il a participé au traditionnel concert de clôture. Pour David, le violoniste, il s’agit d’une première. Au programme, le Trio n° 1 en si majeur de
Brahms, une œuvre difficile pour les artistes, inspirée des légendes nordiques, alternant séquences mélodiques et tumultueuses. Puis ce sera le Trio n° 2 en mi bémol majeur de Schubert au célébrissime andante, œuvre dédiée modestement par le compositeur « à ceux qui y trouveront du plaisir ». Et bien ce soir-là, plus que du plaisir, ce fut du bonheur. L’ardeur musicale, la jeunesse et l’osmose parfaite entre les trois musiciens alliées à leur joie communicative de jouer ensemble enflammèrent l’assistance à laquelle ils donnaient en bis une œuvre de Chostakovitch
Révélations suédoises
Double tremplin-découverte ce dimanche matin avec deux jeunes artistes, la chanteuse Marine Chagnon et la pianiste Joséphine Ambroselli qui donnent leur premier récital à Nohant. Au programme : des mélodies de compositeurs suédois du début du 20e siècle, inconnus au bataillon de l’honnête mélomane. En ouverture du récital, Jean-Yves Clément rappelle que les pays du Nord ont une grande tradition chorale et d’enseignement de la musique « dont la France ferait bien de s’inspirer ». En quinze lieder, les deux artistes vont nous chanter l’amour mais aussi la nature qui n’en est souvent que la métaphore. La voix de mezzo-soprano de Marine Chagnon, à la fois puissante et profonde, soutenue à merveille par l’accompagnement vif et expressif de Joséphine Ambroselli, enchante le public, qui ravi de cette découverte, se précipitera pour faire dédicacer le disque de ces deux artistes pleines d’imagination qui illuminent les lumières mélancoliques du Nord.
Aimez-vous Brahms ?
La réponse ne fait aucun doute aux chanceux qui ont assisté au superbe récital donné par Jonathan Fournel en clôture du week-end. Au programme, un Nocturne puis la Sonate n° 3 en si mineur de Chopin suivie de la Sonate n° 3 en fa mineur de Brahms. Que peut-on rajouter à tout ce qui se dit et s’écrit sur ce jeune pianiste français de 28 ans, lauréat du Prix Reine Elisabeth : son toucher poétique, son sens du détail et des couleurs, la maîtrise et la sûreté de son jeu dans Brahms, son compositeur de prédilection « qui ne le laisse jamais sur sa faim ».
A l’instar du public enthousiaste qui réclamera plusieurs bis que le jeune artiste lui donnera bien volontiers avec le Prélude en si mineur Bach /Siloti puis le bien nommé choral « Que ma joie demeure » qui restera gravé dans les cœurs jusqu’à reprise du Festival fin juillet