La réservation pour cet événement est OBLIGATOIRE, par téléphone au 02 54 48 46 40 ou par mail. Vous pouvez télécharger ici le bon de commande.
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CONFERENCE
Chopin et l’école française de piano
L’influence de Chopin sur les pianistes français
L’Ecole française de piano est-elle une réalité ou une construction mentale née à la fin du 19e siècle parallèlement à l’essor des écoles nationales, comme l’Ecole russe naîtra dans les années 1950 pendant la guerre froide ? Cette technique s’est-elle imposée sans partage dans les classes du Conservatoire de Paris, première école de musique au monde de la IIIe République à la Seconde Guerre Mondiale, où y fut-elle combattue de l’intérieur par des grands maîtres qui dénonçaient cette façon de jouer sur-articulée. Etait-elle circonscrite à la France ?
De tous les compositeurs-pianistes, Frédéric Chopin est celui qui a le mieux compris l’essence même du piano, instrument à percussion dont il faut faire oublier que le seul paramètre scientifique qui détermine la production du son est la vitesse avec laquelle le marteau frappe les cordes. Sans chercher à imiter les sons de l’orchestre, comme l’a fait son ami Franz Liszt dont le génie pianistique est d’une autre nature, Chopin a su faire chanter le piano sur un fond harmonique et polyphonique aux timbres et aux couleurs fondus en un sfumato digne de Leonard de Vinci qui ne peut être révélé que par l’usage subtil et raisonné des pédales qui l’éclairent.
La technique de Chopin reposait sur l’emprise du clavier par une main naturellement ouverte à plat sur toute la longueur des touches, la compréhension de la nature sonore induite par la force de chaque doigt qu’il mettait à profit sans chercher à les uniformiser, par la souplesse de mains attachées à une épaule mobile, suspendues à un poignet élastique tournant en tout sens. Chopin a inventé une technique fondée sur la conscience du son à produire avant même qu’il ne le soit, éloignée de tout le fatras mécaniste qui s’est développé dès les années 1820 avec des machines pour muscler les doigts et contraindre les mains à ne jamais décoller du clavier. Et cela jusqu’en Allemagne – Schumann y perdra sa main de pianiste. Et de nombreux théoriciens y développèrent l’absolu contraire en insistant sur le poids du bras et le rôle de l’épaule : Ludwig Deppe y sera le père de cette prise de conscience. En Grande-Bretagne, cela reviendra à Tobias Matthay et en France à Marie Jaëll et à Louis Diémer.
Chopin était déjà à l’opposée de cette mécanisation de la technique pianistique, séparant l’entraînement physique de la pensée musicale qui s’est donc répandue en Europe et pas seulement en France avec la rationalisation de l’enseignement du piano dans les conservatoires et les écoles de musique. Dans l’Hexagone, ce courant sera représenté par une lignée qui commençant avec Camille Saint-Saëns finira, pour ses personnalités les plus saillantes, avec Isidore Philipp et Marguerite Long. Par une sorte de rapt sémantique, ils incarneront l’Ecole française de piano à travers les théories d’élèves qu’ils formeront à ce jeux précis, virtuose, sans profondeur sonore, mais qui pouvait être élégant et raffiné. Pendant que les Francis Planté, Edouard Risler, Blanche Selva, Louis Diemer, Yves Nat, Alfred Cortot, Lazare-Levy, Nikita Magaloff, Dinu Lipatti ou encore Vlado Perlemuter rejetteront cette technique dans leur enseignement, au profit des préceptes chopiniens élargis par Liszt, Lazare-Lévy et quelques autres aux possibilités offertes par le corps sonore d’instruments qui n’ont cessé d’évoluer jusqu’aux années 1920 pour devenir plus puissants, plus large et plus malléables encore.
De 1981 à 2011, Alain Lompech a été critique musical, rédacteur en chef et responsable des pages « Art et Spectacles » au Monde de la musique et au quotidien Le Monde. Il a aussi été responsable des programmes et producteur d’une émission sur le piano et les pianistes à France Musique où il participe fréquemment à « La Tribune des critiques de disques ». Alain Lompech publie dorénavant des critiques de disques dans Classica, des critiques de concert sur le site britannique Bachtrack et des annonces de concerts dans La Terrasse. Il a publié Grands Pianistes du XXe siècle (Buchet-Chastel, 2012).